• Interview de Cléa Vincent, Luciole, et Zaza Fournier, pour le spectacle « Garçons », en ce moment et jusqu’au 26 juillet aux Trois Baudets.
    Par Baptiste et Gérald PETITJEAN.

    Interview de Cléa Vincent, Zaza Fournier et Luciole, pour leur spectacle Garçons



    Baptiste et Gérald : Commençons par un portrait de chacune d’entre vous. Cléa, où en es-tu?
    Cléa Vincent : L’EP n°2/2 est masterisé, on a la pochette, on a tout ! Il va être pressé dans les semaines qui viennent ; le single sortira le 7 septembre, et le tout fin septembre. De la même façon que pour le premier EP, il y a une reprise et deux remix en face B. J’annonce la cover : Daniel Darc ! Et trois morceaux originaux en face A. Ce sera un peu plus dark, même si cela reste pop. L’idée est de compléter le premier volume, qui était plus sunshine, Brésil !

    B&G : Retiens mon désir a fait plus de 40 000 vues sur Youtube, c’est top !
    CV : C’est moins que René la Taupe, qui en fait des millions ! (rires) Mais je suis très contente. On a des retours médias vraiment bons. Les Inrocks nous soutiennent à mort maintenant, malgré le fait que le label [Midnight Special Records] ne soit pas énorme. Les médias peuvent te soutenir, le milieu n’est pas pourri ! La presse est indépendante !

    B&G : Et une tournée de prévue à l’automne, avant un album en 2015 ?
    CV : Même chose que pour le précédent EP : ce sera une tournée homemade, un peu dans les mêmes endroits d’ailleurs. L’idée est ensuite de se mettre sur l’album, et de trouver des partenaires plus costauds qui puissent nous mettre sur des rails un peu plus confortables, car ce genre de tournée est un peu fatigant.

    B&G : A toi Luciole ! Où te situes-tu musicalement ? Tu cherches des sous pour ton prochain album c’est ça (cf. http://www.mymajorcompany.com/luciole) ?
    Luciole : Je ne connais pas si bien que ça la chanson française des années 50-60. Par exemple, pour le spectacle que l’on fait en ce moment, j’ai découvert beaucoup de chansons. Dans le répertoire de ces années-là, celui que je maîtrise le plus c’est Gainsbourg, car tout Gainsbourg est une influence pour moi. Je fais plutôt de la nouvelle chanson française, et le plus important pour moi c’est le texte : je suis auteur avant toute chose ; je me sers du texte comme matériau de base, comme point de départ. J’ai sorti un premier album [« Ombres », 2009], d’abord chez Mercury/Universal puis en indé quelques mois après sa première sortie, et j’ai autoproduit un EP [« Et en attendant », 2012], sur lequel je m’assumais plus en tant que chanteuse, c’était un peu un virage musical. Et puis J’ai décidé de ne plus attendre pour le second album ! Je rentre en studio à la rentrée, en septembre. Il devrait sortir, je l’espère, au début du printemps 2015. C’est encore un projet auto-produit, bien que je sois entouré par un éditeur, un manager, un tourneur, et que je compte trouver un partenaire label pour la distribution.

    B&G : Et enfin, Zaza Fournier, c’est à ton tour de te présenter !
    Zaza Fournier : J’ai une formation de comédienne, j’ai fait de la musique un peu par accident ; ça a toujours été un fantasme, même s’il n’était pas forcément avoué, car je ne savais pas que je pouvais faire des choses intéressantes. Et j’ai rencontré quelqu’un de formidable au Conservatoire : Stéphane Auvray-Nauroy. Il m’a confronté à la question : pourquoi  est-ce-que je veux monter sur scène ? Et un jour, dans le cadre d’un exercice d’improvisation, on m’avait demandé d’écrire une chanson. J’en ai donc écrit une, qui s’appelle La Vie à Deux. C’est le point de départ. En parallèle je jouais dans la rue pour gagner un peu d’argent, ainsi que dans les bars et les cafés concerts. J’ai fait ça pendant un an, c’était en 2007. Au début, c’était seule avec mon accordéon. Mais cet instrument a une connotation très forte : il est associé soit à la chanson réaliste, soit au musette, et je ne me situais dans aucun de ces deux univers. Alors, comme je composais des morceaux, avec Jack Lahana et Rob, avec qui j’ai fait deux disques, j’ai commencé à mettre des petites séquences dans mon iPod, essentiellement des rythmiques. Après, les choses sont allées assez vite : premier album en 2008, deuxièm en 2011, chez Warner. Je travaille actuellement sur le troisième, et les concerts, ce que je préfère, s’enclencheront à partir de septembre.

    B&G : Passons à « Garçons », racontez-nous un peu l’histoire du projet.
    ZF : C’est Cléa qui a pris l’initiative !
    CV : Au départ, j’avais l’idée de réunir trois ou quatre chanteuses autour d’un spectacle musical sur Boby Lapointe. Mais je n’avais pensé qu’à une seule soirée, à La Loge, car c’est la salle d’Alice [directrice artistique des Trois Baudets] ; c’était un projet plus récréatif qu’autre chose. Mais Alice a adoré l’idée, et elle nous a donné carte blanche, autour du mois de mars, pour faire un spectacle pendant tout le mois de juillet ici.
    L : En fait, Les Trois Baudets avaient déjà expérimenté une création de ce type l’été dernier, pour un mois également, et Alice voulait renouveler l’expérience. Entre temps, on s’est rendus compte qu’un spectacle autour de Bobby Lapointe avait été fait très récemment, et plutôt très bien. Alice nous a soufflé une idée : le répertoire des années Canetti [ex-directeur des Trois Baudets], c’est-à-dire de 1947 à 1967. C’est très large. On ne voulait pas que ce soit une collection de chansons ou un tour de chant ; on voulait que le spectacle ait un sens. Alors on a resserré le cadre sur des chansons d’hommes, puis sur des chansons d’hommes qui parlent des femmes.

    B&G : Cléa, pourquoi avoir contacté Luciole et Zaza ?
    CV : J’ai eu l’occasion de faire des duos avec chacune d’entre elles, à chaque fois sur un morceau du groupe Les Parisiennes ; j’ai ressenti quelque chose de fort dans les voix, un truc un peu à part… Et l’idée de se regrouper m’est d’ailleurs venue des Parisiennes ; le côté 60's, hyper naïf, de chanter à l’unisson, j’ai trouvé ça super. Et puis on est parisiennes !

    B&G : Comment s’est faite la sélection des morceaux ?
    ZF : On réfléchissait chacune de notre côté, et puis on se retrouvait pour en parler. Mais finalement, le choix s’est fait assez vite. Et une fois la liste établie, il y avait des morceaux qui nous semblaient mieux passer en solo, ou ne pas fonctionner à trois voix.

    B&G : Et sur les arrangements musicaux ?
    ZF : Toutes les propositions d’arrangements sont venues de nous. Ensuite Raphaël Thyss nous a permis d’affiner.
    L : En gros, on a commencé à répéter de façon intensive fin mai jusqu’au 1er juillet. Le premier jour de répétition, on a relevé toutes les tonalités des morceaux, et on a réfléchi aux arrangements, au découpage des textes. On a pris pas mal de décisions ce jour-là.

    B&G : Comment se déroulaient les séances de travail ?
    ZF : Enfermer trois chanteuses pendant un mois un demi, avec nos egos et nos univers musicaux très différents, je le dis maintenant : ça aurait pu être la catastrophe ! Mais en fait, il y a eu quelque chose d’étonnant dans la fluidité entre les différentes étapes du projet. Il y a eu seulement deux chansons où les choses ont été un peu plus compliquées. C’était parfois difficile de dépasser l’essence de certains morceaux.
    CV : Et sinon la principale difficulté, mais qui est plutôt une conséquence, c’était la fatigue, à la fois physique mais surtout émotionnelle.
    ZF : Ce qui est fort aussi dans ce projet, c’est qu’on n’a pas forcément les mêmes impulsions de départ, on a chacune notre parcours, on ne travaille pas tout le temps de la même façon. A un moment, je me suis demandée : quand il y a trois individualités, comment ne pas se sentir censuré ? Comment ne pas se marcher dessus ? Et je suis étonnée qu’on ait réussi à dépasser cela.
    L : Il y a une répartition assez égalitaire sur la prise de parole. Et on est très à l’écoute les unes des autres. Chacune trouve sa place.
    CV : On est nous-mêmes, mais on est ensemble.
    L : Oui, chacune peut assumer la totalité du spectacle. On adhère à tout, toutes les trois.

    B&G : Et physiquement, ce n’est pas épuisant de remonter chaque soir sur scène ?
    ZF : Oui bien sûr, cela demande beaucoup d’énergie.
    CV : Quand tu joues six soirs par semaines, tu ne peux pas faire des nuits blanches et boire du whisky toute la nuit. Et je fume pas mal d’habitude, mais dès qu’on a commencé à travailler ensemble, j’ai réduit car j’ai réalisé assez vite que ça n’allait pas le faire du tout !
    L : La régularité est difficile : se réengager chaque soir, ré-accumuler suffisamment d’énergie.
    ZF : Oui mais ce ne sont pas des difficultés, c’est le métier, c’est comme ça ! Je dirais même que ce qu’on fait en ce moment est moins difficile qu’une tournée : on joue à une demi-heure de chez nous ; on n’a pas de balances à faire tous les soirs ; on ne voyage pas, on a nos journées.
    L : C’est notre mini-Avignon ; sauf que le week-end on est chez nous et qu’on n’a pas besoin d’aller tracter dans la rue pour attirer des gens. Et puis, on a été magnifiquement accueillies ici aux Trois Baudets.

    B&G : Ce spectacle pourrait-il tourner ?
    ZF : On a toutes des plannings pour l’année qui vient. Mais dans l’idée de se dire que tout ce boulot pourrait ne pas mourir fin juillet, pourquoi pas !


    votre commentaire
  • Cléa, Luciole et Zaza, trois « Garçons » dans le vent …
    Les Trois Baudets, 08 juillet 2014, 20h30.
    Par Baptiste Petitjean.

    Live report : Garçons, avec Cléa Vincent, Zaza Fournier et Luciole (Les 3 Baudets)

    Précision liminaire : ce n’est pas la chronique d’un concert que vous lisez, mais celle d’un spectacle. Evitant sagement le piège de la collection de reprises, nos trois artistes, qui ont reçu carte blanche des Trois Baudets pour tout le mois de juillet, racontent une partie de l’histoire de la chanson française des années 50 et 60 avec talent, justesse et maîtrise (cf. interview).

    L’ensemble donne toutefois une impression très moderne, car les morceaux ne sont pas seulement repris, ils sont surtout revisités, avec tout le respect qui leur est dû. Une version galopante de L’eau vive de Guy Béart ? C’est possible, et c’est bien fait ! Le headbang n’était pas loin (!) de gagner un public pas assez nombreux mais connaisseur, qui a eu le plaisir d’écouter la reprise une deuxième fois pendant le rappel. Et ce qui fait de cette soirée un spectacle, c’est aussi le travail de mise en cohérence, d’interprétation et de jeu théâtral. La preuve sur Mon Homme de Patachou : pas de chant, mais une prestation « dramatichorégraphiée » très originale, en plein dans le mille. Un grand bravo également au multi-instrumentiste, Raphael Thyss, « le seul vrai garçon » comme s'en amusent les filles.

    Parfois le trio se sépare pour aller sur des terrains plus intimes, des exercices de chant et d’interprétation plus ouvragés : on pense en premier lieu aux deux solos de Cléa Vincent, Sensual, de Jean-Pierre Dujay, et Je vous salue Madame, de Christophe. Sur ce dernier, on peut apprécier la « patte » de Cléa Vincent : une touche de bossa au clavier, accompagnée d’une voix tendue mais fragile. Dans les solos, on retient également Parce que, de Charles Aznavour, repris par Zaza Fournier et sa voix tiraillée mais ne rompant jamais, sincèrement habitée par des paroles émouvantes, dont voici un extrait : « Car la mort n'est qu'un jeu comparée à l'amour / Et la vie n'est plus rien sans l'amour qu'elle nous donne ». Enfin, une performance à retenir : La Chanson de Maxence (issue des "Demoiselles de Rochefort"), « exécutée » a capella par Luciole, qui, des trois petits mecs sur scène, possède sans doute la voix la plus douce ; remarquable également sur l’entêtant Si tu t’imagines de Mouloudji.

    En somme, trois filles qui s’amusent à travers une vingtaine de chansons populaires ou plus confidentielles à « chercher le garçon », comme chantait Daniel Darc avec Taxi Girl. Courez-y avant que cela finisse ; la dernière aura lieu le 26 juillet prochain.


    votre commentaire
  • Interview de Le Couleur, 4 juillet 2014.
    Par Baptiste et Gérald PETITJEAN.

    Interview du groupe Le Couleur (4 juillet 2014)

    Vive la technologie : voici notre première interview internationale réalisée intégralement par mails ! Le groupe montréalais Le Couleur, dont le titre Jukebox est un de nos morceaux préféres du moment (cf. notre playlist de juillet), a gentiment accepté de répondre par à nos questions. Vous dancez encore et toujours sur Call Me ou Atomic de Blondie ? Vous avez récemment succombé aux charmes de de l'album "Mafia douce" de Pendentif ? Alors aucun doute : la musique de Le Couleur est faite pour vous !

    Baptiste & Gérald : Pouvez-vous nous présenter le groupe Le Couleur ? Comment vous êtes-vous rencontrés ? Pourquoi le nom Le Couleur ? Quelle est l'histoire du groupe ?
    Le Couleur : Le Couleur c’est trois musiciens montréalais, deux garçons et une fille. Nous nous sommes rencontrés dans un magasin de musique. Nous voulions acheter le même synthétiseur et il n’y en avait qu’un seul. Nous avons pris une entente, comme quoi nous allions nous l’échanger. Tranquillement, on s’est partagés les compositions que nous faisions avec le synth. On a alors décidé de faire un EP ensemble parce qu’on aimait tout ce qui était proposé, trois individus qui ne se connaissent pas et qui composent d’une manière homogène.
    Pourquoi Le Couleur; parce que c’est simple et sophistiqué. Comme l’a dit Steve Jobs “La simplification est la sophistication suprême”. "Couleur" est simple, "Le" donne la sophistication.

    B&G : Quels sont les groupes, les albums, les chansons qui vous ont donné envie de faire de la musique et de monter un groupe ?
    LC : The Wings, Abba, Blondie, Lio, Elli et Jacno, Michael Jackson, Air, Stereolab. Et plus récemment : Metronomy, Poolside, Todd Terje, Hypnolove, tout DFA Records / Record Makers.

    B&G : Comment se porte la scène pop canadienne, et plus particulièrement québécoise, qui semble assez dynamique ? Peut-on parler de communauté pop canadienne et québécoise ? Avez-vous des liens avec des artistes comme Sean Nicholas Savage, Mac DeMarco, ou les anciens de Bran Van 3000 (qui ont réalisé un de nos albums préférés des années 1990, « Glee ») ?
    LC : Les groupes que vous nommez sont davantage dans la scène anglo internationale. Il n’y a pas de guerre entre les groupes franco-anglo, mais nous sommes dans une autre niche. Julien Manaud et Steeven Chouinard ont fondé le label Lisbon Lux Records pour que Le Couleur ait une « maison », mais pour aussi représenter la scène électro-disco-pop montréalaise et québécoise. Nous avons décidé de tracer une autre route que celle déjà établie au Québec. Il y a beaucoup de collaborations au sein du label avec Beat Market, Fonkynson etc…

    B&G : Quand on vous écoute (par exemple les morceaux Juke Box, un de nos coups de cœur du moment, ou Voyage Amoureux) votre style musical et le fait de chanter en français font qu'on vous associe au mouvement French Pop actuel (Aline, Pendentif, …). Qu'en pensez-vous ?
    LC : Oui, c’est vrai. On se sent plus proches de la French pop que de ce qui se fait ici au Québec. On adore Pendentif, qui sont également des amis. Nos influences proviennent beaucoup de la France. Nous aimons cet aspect étrange, de mélanger le disco-électro au français.

    B&G : Vous venez de faire quelques dates au Royaume-Uni et en France ? Comment s'est passée cette première tournée européenne ? Comment votre musique a-t-elle été reçue ?
    LC : Nous avons joué à Liverpool dans le cadre du Festival Sound City. Notre musique a vraiment charmé les gens là-bas. Je crois qu’ils nous voyaient un peu comme des extra-terrestres, avec nos costumes et nos synthétiseurs. Nous avons rencontré plusieurs personnes nous offrant dans le futur de belles opportunités. Nous avons également joué à Paris pour 2 dates, dont une avec le duo parisien Sans Sebastien, avec lesquels on s’est liés d’amitié. Vous pourrez entendre de belles collaborations futures. Nous avons également joué au Luxembourg ! Cette première tournée européenne a été complètement géniale, notre musique a été hyper bien reçue. Le public a vraiment compris notre univers.

    B&G : Avez-vous noué des contacts avec la communauté pop française (labels, tourneurs, groupes, presse spécialisée, blogs, radios, ...) ?
    LC : Comme mentionné précédemment, on s’entend bien avec Sans Sebastien et Pendentif. On vient de jouer avec Moodoïd, très sympa, avec Charles-Baptiste aussi. Un entourage professionnel se forme également autour de nous en Europe, avec The Roomates (attaché de presse), l’agence de booking « Voulez-Vous Dansez ? ». On rencontre des labels ; l ‘équipe d’Entreprise (Moodoïd et Lafayette) fait une très belle job. Cette tournée était l’occasion de rencontrer les gens avec qui on échange sur internet depuis un moment ! On reçoit de plus en plus de messages de France, de Belgique etc… Les radios indépendantes jouent notre musique. On commence aussi à avoir le soutien d’une presse plus importante comme les Inrocks ou Libération. On sent que ça monte. On adore les gens avec qui on travaille jusqu’ici, on se sent en famille. Pour ces points, nous sommes un peu de fervents admirateurs de la belle époque hippie !!! C’est très important d’être entouré d’une équipe cohérente, soudée et motivée.

    B&G : Quel futur pour Le Couleur ? Avez-vous prévu de revenir en France et en Europe pour une nouvelle tournée ou pour des festivals ?
    LC : Pour l’été 2014, on s’enferme dans notre studio pour sortir un autre EP à l’automne et un album pour 2015. Nous prévoyons ces sorties en France. Nous reviendrons en Europe prochainement, et nous préparons également une tournée en Asie. Bref, de beaux projets pour Le Couleur !


    votre commentaire
  • Interview d'Erwan Julé, attaché de presse chez Boogie Drugstore (management et promotion de musiques indépendantes).
    Pop In, le 5 juin 2014.
    Par Baptiste et Gérald PETITJEAN.

    Baptiste & Gérald : Nous faisons cette interview au Pop In. Tu connais l'endroit ?
    Erwan: Oui, bien sûr, c'est un bar culte pour toutes les personnes qui aiment la nuit parisienne.

    B&G : Tu as vu des concerts ici ?
    E: Je me rappelle avoir vu Elefanz ici: c'était vraiment chouette. Les MmMmM aussi : c'était n'importe quoi, mais super drôle. Et puis à la fin des concerts, tu finis par boire des bières avec les groupes. L'ambiance est très sympa.

    B&G : Quel est ton parcours ? Comment et pourquoi avoir choisi de devenir attaché de presse dans le monde de la musique ? Qu'est-ce qui t'a donné l'envie de faire ça ?
    E: J'ai un parcours un peu bizarre car j'ai commencé par faire une fac de sport. J'ai ensuite arrêté mes études pendant deux ans puis j'ai repris un BTS en communication à Nantes. Dans le cadre de ce BTS, on avait des actions de cours à mener et je me suis retrouvé assistant bénévole dans un petit festival qui s'appelait « Histoire d'Avenir » à l’époque. La deuxième année, je suis devenu responsable communication et assistant programmation. Ça m'a tellement plu que je me suis dit qu'il fallait que je travaille dans ce domaine. Et un soir, après une cuite, j'ai décidé d'arrêter mes études pour faire des stages.

    B&G : Quand tu étais étudiant, en fac de sport ou en BTS, tu étais déjà un fan de musique ?
    E : Ah oui ! J'en écoutais déjà tout le temps. Et puis je sortais trop pour faire une fac de sport.

    B&G : Une fois arrivé à Paris, comment s'est passée la suite ?
    E: En venant de Lorient, en Bretagne, attaché de presse à Paris, ça semble un truc très lointain. En fait, je devais travailler chez un tourneur à Nantes : en juillet il me prenait, et en septembre il ne me prenait plus. Je me suis retrouvé comme un con, sans rien. J'ai alors commencé à chercher un stage à Paris et au premier appel, je suis tombé sur une fille qui est encore une de mes collègues aujourd'hui. Je me souviens qu’elle m’avait dit qu'on pouvait se voir le lendemain pour un entretien et une semaine après j’étais assistant attaché de presse, puis, plus tard, chargé de développement. Trois ans après, mes deux collègues qui m'avaient recruté et formé sont partis pour créer Boogie Drugstore. Depuis, je travaille en freelance avec eux. Je suis responsable de la promotion sur le web et les médias locaux, petits médias parisiens compris.

    B&G : Chez Boogie Drugstore, vous êtes associés ? Comment-êtes-vous organisés ?
    E : Non, Thomas et Justine ont créé la boîte, c’est une petite structure indépendante. J’ai toujours été freelance pour eux, et je le suis encore aujourd’hui. On se fait totalement confiance et j’ai même un peu de poids dans certaines décisions. Cela me convient très bien, ça m’a notamment permis de partir trois mois aux Etats-Unis en début d’année. Je gère mon temps comme je l’entends.

    B&G : Tu te promènes beaucoup ?
    E: Pas tant que ça finalement. Mais si je devais citer deux festivals principaux pour moi, je dirais les Transmusicales de Rennes et la Route du Rock qui sont incontournables à mes yeux. Ensuite je vais dans des festivals en dehors de Paris quand j’ai beaucoup d’artistes programmés ou pas et en fonction de l’importance d’être sur place à travailler.

    B&G : Peux-tu nous expliquer un peu plus dans le détail comment se passe ton travail ?
    E: Ca dépend du contexte, s’il s’agit de travailler sur une sortie d'album, une sortie d'EP, une tournée, la promotion globale des sorties d'un même label… Par exemple, dans le cas d'une sortie d'album, l'objectif est de faire progresser la notoriété de l'artiste jusqu'à cette sortie. Il faut convaincre les journalistes d’en parler et réussir à mettre l'album en avant dans les médias. Et, bien sûr, cela se prépare progressivement : diffusion d'un single en radio et du clip correspondant, partenariats avec des médias, organisation d'interviews, de sessions live, d’événements. Le tout pour arriver à une belle exposition à la sortie. Mais c’est vraiment tout le temps différent.

    B&G : Quelle est la part du web dans ce travail?
    E: Elle est énorme. Les jeunes, en gros les moins de trente ans, ne lisent plus la presse écrite. Ils sont tous dans le digital. L'avantage mais aussi l'inconvénient du web, c'est que ça va très vite, trop vite, l’info devient presque «jetable ». Et il y a énormément de personnes et de sites sur le web, c’est un peu comme une fourmilière en fait. Autre point très important : les artistes doivent aussi savoir utiliser les réseaux sociaux pour communiquer avec leurs fans.

    B&G: Quelle est la place des blogs, qu'ils soient amateurs et animés par des passionnés comme le nôtre, ou plus « pro » ? Est-ce que ça compte vraiment.
    E: C'est très important. Quand tu es un jeune groupe qui démarre, ça te permet de faire parler de toi et c’est quelque chose qui était encore impossible il n’y a pas si longtemps. Quand il y a une chronique positive et bien écrite sur toi, c'est évidemment très flatteur. Ca contribue à créer le début de l'histoire du groupe avec les médias, à constituer un press book, à montrer à des tourneurs que le groupe a un début de notoriété et qu’il suscite de l’intérêt, au moins un petit peu. Et tu vois cette interview aujourd’hui me rappelle à quel point y répondre n’est pas si simple, c’est un véritable exercice que d’arriver à être intéressant, ou tout du moins de bien structurer ta réponse. Donc, rencontrer des blogueurs permet aussi de s'exercer à ça. Et puis surtout ce que j'aime bien avec les blogs et les webzines, c'est quand même qu’ils te permettent de découvrir des trucs que tu ne découvrirais pas ailleurs. Les gros médias s'intéressent quand même majoritairement aux artistes déjà identifiés. Donc la blogosphère est primordiale.

    B&G : Tu as des liens forts avec les journalistes ou les blogueurs ?
    E : Oui bien sûr. Par exemple deux de mes meilleurs potes sont des journalistes que j’ai rencontrés dans le cadre du boulot. En revanche, ce n'est pas pour ça que professionnellement ça marche forcément mieux. Disons que c’est plus sincère, donc que ça va plus vite mais tu fais quand même la part des choses.

    B&G : Comment sont évalués les résultats de ton travail ?
    E: D'abord, tu évalues si ça fonctionne ou pas, si un mouvement, d'abord souvent journalistique puis populaire, se crée. Ensuite, l'artiste peut quand même être content même si ça ne marche pas comme on l’entendait au début. S’il a de beaux papiers, si on l’a aidé à créer des contenus différents, s’il a rempli sa salle de concert…
    Mais parfois tu te « plantes » aussi, même si c’est un grand mot. C’est malheureux quand ça arrive mais si un projet ne plaît pas, tu n’y peux pas grand-chose à partir du moment où tu y croyais et que tu t’es défoncé dessus dès le début.

    B&G : Comment te projettes-tu dans quelques années ? Tu souhaites continuer ?
    E: Je ne sais pas comment je me vois dans 10 ans. Le travail est très prenant, on bosse énormément. Il y a quand même de la pression et une obligation de résultats qui peuvent peser parfois. Et puis je ne suis pas sûr de vouloir faire la même chose toute ma vie: je suis encore jeune, je vais avoir trente ans en septembre.

    B&G: Quels sont tes meilleurs souvenirs de travail ?
    E: Quand on fait ce genre de boulot, ce n'est pas seulement à cause de la musique, c'est aussi pour rencontrer de nouvelles personnes en permanence, c’est un peu cliché mais c’est vrai. Et parfois, tu fais des super rencontres et les gars du groupe deviennent des potes. La tournée du groupe Aline est par exemple un super souvenir avec des gars extras.

    Pareil avec un groupe danois qui s'appelle 4 Guys From the Future. Je ne peux pas ne pas citer Concorde non plus. Et puis plein d’autres forcément. Humainement, c'est un boulot très enrichissant.

    B&G : Nous t'avons connu suite à ton travail avec des groupes pop et rock indé. Est-ce que tes collègues de Boogie Drugstore et toi accompagnez des groupes issus d'autres univers musicaux ?
    E: Bien sûr, le rock et la pop indé nous plaisent beaucoup. Mais on travaille aussi énormément dans l'électro, par exemple avec les labels Warp et Mute. J'ai aussi travaillé avec le label No Format, qui fait pas mal de World. Je travaille avec Tony Allen également. Et J'adore aussi la folk.

    B&G : Quelques mots sur Pégase, un groupe dont tu t'occupes actuellement et que nous apprécions beaucoup ? Ils ont l'air de bien marcher, en étant à l'affiche de beaucoup de festivals.
    E: Oui, ils vont faire les Eurockéennes, Rock en Seine, La Route du Rock. Ils viennent de participer à la soirée Deezer de Talents et au Printemps de Bourges. Il y aura aussi pas mal de dates à l’automne dont je ne peux pas encore parler. Je trouve que sa pop minimaliste, avec un son travaillé depuis la période Minitel ,n'a pas trop d'équivalent en France. Je conseille vraiment son premier album. Et puis c’est ce genre d’artiste qui fait tout lui même ou qui du moins s’implique dans tout, de la réalisation de ses clips au visuel de son album. Il y a une cohérence d’autant plus forte dans son projet.

    B&G : Comment ont évolué tes goûts musicaux depuis que tu fais ce travail ? Les albums que tu emmènerais sur île déserte sont-ils toujours les mêmes ?
    E: Ce ne sont plus du tout les mêmes, enfin disons qu’ils ont beaucoup évolué. Il y a dix ans, j'étais déjà fan de Radiohead et des Stones, un peu comme tout le monde vous me direz, mais bon. Depuis, notamment grâce à mes collègues qui sont de vraies encyclopédies et bien sûr aux potes, j'ai découvert plein de groupes : par exemple les Stone Roses, que j’adore maintenant. Ce métier m'a surtout donné les clés pour creuser un peu plus. Je pourrais vous citer des dizaines de groupes, j’écoute de la musique différente tous les jours.

    B&G : Tu joues d’un instrument ?
    E : Non, je suis très mauvais autodidacte. J’ai une guitare, depuis très longtemps. J’ai essayé, mais il aurait fallu que je prenne des cours et je n’en ai jamais pris le temps. Vu que mon planning est évolutif, je ne peux jamais rien prévoir. Et puis je dois être un peu fainéant, et je déteste la phase "débutant".
    Ceci dit, j’aurais adoré jouer de la batterie. Vous connaissez Mozes and the Firstborn, un groupe hollandais avec lequel j’ai travaillé ? Je les ai vus aux Transmusicales cette année. Le batteur était complètement déchaîné, un sosie de Stacy Peralta torse nu qui tapait comme un malade : c’était assez fascinant. Et puis la batterie, c’est un peu le cœur du groupe : je suis rarement pour les boites à rythmes.

    B&G : Quels sont les groupes avec qui tu as travaillé qui t’ont marqué sur scène ?
    E : Je me souviens d’un concert de 4 Guys from the Future. A l’époque ils n’étaient pas du tout connus et ils ne le sont toujours pas d’ailleurs, mais leur album était vraiment cool. On avait organisé un petit show case au 114 et il n'y avait quasiment personne. C’était un concert acoustique et je suis resté scotché, j’avais l’impression de voir du mini Radiohead. La référence est un peu too much mais c’était vraiment bien.

    Il y a WhoMadeWho. Eux sont carrément hors compétition. Je crois que c’est le groupe qui m’a le plus marqué en live depuis 5-6 ans. Leur avant-dernier album est génial et les mecs te retournent une salle en un claquement de doigts.

    Evening Hymns aussi, mais là on est dans un tout autre style. C’est un artiste canadien qui fait de la folk et c’est magnifique en live. Je suis archi-fan. On avait fait un concert à l’Espace B et nous étions début septembre. Je me souviens que l’aération avait sauté et qu’il devait faire plus de 40° dans la salle. Le groupe a finalement fini le concert dans la rue, devant la salle.
    Et puis Trentemoller, St Augustine, Poni Hoax, Aline, ... Et dernièrement Get Your Gun en première partie d’Archie Bronson Outfit : la voix du mec est dingue. Je crois que je pourrais écrire une très longue liste.

    B&G : Quels sont tes  coups de cœur récents ? En French Pop par exemple ?
    E : Le Femme, sans aucun doute, et de loin. Ils ont vraiment apporté quelque chose. Je les ai vus à New York d’ailleurs, pendant mon séjour de 3 mois. Et François & the Atlas Mountain. Je les avais vus aux Pays-Bas à l’Eurosonic, en sortant d’un coffee shop... Une grosse claque. Il y Bertrand Belin aussi, que j’apprécie beaucoup. Petit Fantôme également.

    B&G : Et hors de France ?
    E: En ce moment, j’aime beaucoup un groupe psyché qui s’appelle Soft Walls. J’écoute The National en boucle. J'aime aussi Amen Dunes aussi, Sufjan Stevens, Motorama, One Year From Home, Unknow Mortal Orchestra, ... Il y en a tellement! Et puis naturellement je suis toujours aussi fan de Radiohead et des Stones. Jusqu'en 1972 c’était un extraordinaire groupe à singles. Ensuite ils sont devenus des milliardaires et tout change dans ces cas là. Et je ne peux pas ne pas citer Dan Boeckner, de feu Handsome Furs et de feu Wolf Parade, notamment. On a l’impression que le mec va crever sur scène.

    Site web de Boogie Drugstore : http://www.boogiedrugstore.net/


    votre commentaire
  • - Coming Soon : Tiger meets lion

    - Le Couleur : Jukebox

    - The Lanskies : Fashion Week

    - Mustang : Je vis des hauts

    - Headoneast : Mayska

    - Kokoshca : La casa está en huelga

    - Les Calamités : The kids are alright

    - Agua Roja : Summer ends

    - Jo Wedin et Jean Felzine : After laughter

    - La Féline : Adieu l'enfance

    - Marc Desse : Faits d'hiver

    - Glasvegas : Secret truth


    votre commentaire



    Suivre le flux RSS des articles
    Suivre le flux RSS des commentaires