• Interview du groupe Nevski, 15 février 2016.

    Par Baptiste et Gérald PETITJEAN.

    Photos d'Olivier REBECQ.

    Denis a une nouvelle fois ouvert les portes de son Temple Bar à Little John’s Pop Life. Le groupe Nevski ouvrira la deuxième édition de This Is French Pop le 11 mars prochain. C’est justement au Pop In que nous avons retrouvé Rodolphe et Quentin, les fondateurs du groupe. Deux types qui se connaissent à la perfection, semblables et différents à la fois… Une ambiguïté de plus dans l’océan d’incertitudes qui traversent cette jeune formation musicale, l’idéal pop-indé demeurant certainement le seul invariant autour duquel ils se (nous) promènent.

     

    Interview de Nevski, 15 février 2016

    Baptiste & Gérald : Nous vous avions mis dans notre playlist de novembre après avoir écouté votre premier EP « Nevski ». Vous jouerez lors de la soirée This Is French Pop #2, c’est donc l’occasion pour nous et pour nos lecteurs de vous connaitre un peu mieux. Dans quel contexte avez-vous fondé Nevski ?

    Rodolphe : On peut déjà remonter à nos premiers émois musicaux. En ce qui me concerne… J’en sais rien ! Je dirais peut-être le générique de Nounours. Sinon, plus sérieusement, vers 10 ans, j’ai écouté les disques que j’avais sous la main à la maison : les Pixies, le Velvet Underground. Mes parents étaient pas très branchés variét’. C’est venu assez spontanément. Et puis, à 11 ans, je ressors une vieille guitare qui était dans le grenier, une guitare sèche à 500 francs, pas terrible. Un ami de mes parents m’a appris à poser quelques accords au début, et il y avait internet… Mais je n’ai jamais vraiment pris de cours.

    Quentin : Je rencontre Rodolphe à ce moment-là justement, en 6ème. C’est plutôt Rodolphe qui m’a fait vraiment découvrir la musique. Je passais beaucoup de temps chez lui, quand on habitait à Rouen. Mes premiers émois musicaux : les morceaux de Nirvana ! (rires) C’est le premier groupe que j’ai suivi et sérieusement écouté.

    R : C’est trop bien mais ça craint.

    Q : Cela dit, quand on se rencontre, je n’ai encore jamais touché un instrument. Rodolphe quant à lui, même s’il n’a pas commencé la guitare depuis très longtemps, a déjà un bon niveau. Il m’apprend à jouer, sur son affreuse guitare sèche, qui était si peu maniable que je devais la poser sur mes genoux. Il m’a fallu un peu plus de temps pour que je me mette sérieusement à apprendre à jouer : vers l’âge de 15 ans, j’ai pris des cours. A cette époque on chantait les chansons de Rodolphe, on formait déjà une sorte de duo. On ne s’est jamais lancé dans un projet de reprises. Et cela perdure : j’ai la particularité de ne savoir jouer aucune chanson à part celles du groupe !

    R : Dès que j’ai commencé à jouer, j’ai voulu composer mes propres morceaux. A l’époque on voulait surtout ressembler à des groupes comme les Strokes ou Franz Ferdinand.

    DU CHIEN FAUVE A NEVSKI EN PASSANT PAR BALLADUR 95

    B&G : On voit que vous avez commencé à jouer et à composer très jeunes, au début du collège, mais à quel moment décidez-vous de former Nevski ?

    R : L’idée de créer un vrai groupe a surgi il y a trois ou quatre ans seulement. On a fait quelques concerts ensemble, en duo, et puis j’avais un autre groupe au collège. On était une bande d’amis, on formait des pseudo-groupes en permanence.

    Q : Oui c’est tout à fait ça : je faisais par exemple un duo avec une fille de ce groupe de potes. Et puis un jour on a fait un super-groupe qui s’est appelé Castleton Garden !

    B&G : Avec du recul, quel jugement portez-vous sur ces premières compositions ?

    Q : Je les ai toutes quelque part dans mon ordinateur. On les a réécoutées il n’y a pas si longtemps d’ailleurs, et ce qui apparaît clairement ce sont nos influences. L’auditeur sait directement ce que nous écoutions à cette période : ce sont nos compositions, mais cela ressemble à des copies. C’est très référencé.

    B&G : Cela nous amène aux années lycée, vous continuez de faire des concerts en duo ?

    R : Oui, et on sort également une chanson dans une compil’ produite par un Américain qui en publiait à la chaîne. On est en seconde à ce moment là. On rencontre une Japonaise dont l’un des titres figurait sur la même compil’, et elle nous décroche une date à Paris – alors que c’était à nous de lui trouver une salle ! C’est notre premier concert tous les deux.  C’était dans le 20ème, au Rigoletto Théatre. J’en garde un très bon souvenir.

    Q : On a joué devant une trentaine de personnes. Un public attentif. Des types avaient fait nos réglages avant le concert. On était dans de bonnes conditions.

    R : Après le bac, on a dû arrêter de jouer, parce qu’on a été séparés géographiquement : je suis parti à Pau, en prépa, et Quentin est allé à Paris. Mais on n’a pas eu de nouveaux projets. On a continué à s’envoyer nos idées de compo.

    Q : Rodolphe vient ensuite à Paris, on prend une colocation. Et là on a vraiment eu envie de faire un groupe : davantage de discipline, davantage de répèt’. On décide de s’appeler Le Chien Fauve, puis on change et on se renomme Balladur 95. On a traîné ce nom jusqu’à l’enregistrement de l’EP qui sortira en 2013 sous notre nom actuel, Nevski. J’adore les grandes figures militaires.

    Interview de Nevski, 15 février 2016

    B&G : Vous êtes pourtant quatre sur scène…

    Q : Simon, le batteur, est un ami d’enfance d’un bon copain à moi que j’ai rencontré en école d’architecture. Je croisais souvent Simon, je savais qu’il écoutait beaucoup de musique, qu’il en faisait aussi. Rodolphe était parti en Erasmus en Allemagne à ce moment-là. Il était venu passer quelques jours à Paris, et au cours d’une soirée où j'avais invité Rodolphe – c’était le jour de la fin du monde d’ailleurs, le 21 décembre 2012 – il a rencontré Simon. Ils ont pas mal discuté et le courant est bien passé. Il a fait le conservatoire et c’est un excellent batteur, il introduit beaucoup de subtilités. Six mois après cette soirée, en juillet 2013, on enregistre tous les trois l’EP « Nevski ».

    R : Ceci dit, pour l’enregistrement de l’EP, on a tout fait très rapidement, sans vraiment prendre le temps de répéter. Les arrangements, par exemple, ne sont pas vraiment maîtrisés, on a fait ce qui nous venait en tête…  Maintenant on aurait un son plus… dégueulasse.

    Q : Un peu comme sur “Surfer Rosa” des Pixies, où tu as l’impression qu’un type joue de la batterie dans ta cuisine.

    R : Et avec Julien, on s’est rencontrés à Pau où a fait une partie de nos études. On a pas mal discuté de musique et on est devenus potes. Quand il a débarqué à Paris l’année dernière, on lui a naturellement demandé de nous rejoindre et ça a tout de suite marché. On a sensiblement les mêmes goûts, et il est passé super facilement de la guitare, son instrument au départ, à la basse.

    L’EP « NEVSKI » SORT EN 2015 SUR LE LABEL FAMILIAL OUT OF MAP.

    B&G : Passons en revue les morceaux de votre EP.

    R : La plus vieille c’est En Angleterre, dont le texte était en anglais à l’origine. C’est dur d’écrire en français, tout d’abord et tout simplement parce qu’il n’y pas de barrière avec le public, la compréhension immédiate. L’idée c’était aussi et surtout d’être sincère, dans une posture résolument pop.

    Q : La vraie difficulté c’est de chanter en français, sans chanter en français… Les livres qu’on lit sont plutôt les classiques du XIXème siècle, ce n’est pas évident d’écrire quelque chose qui ne soit pas surfait. Au début, j’avais tendance à essayer d’écrire des textes dans le style des livres que je lisais.

    B&G : Ensuite il y a Alligator

    R : C’est avec ce morceau que l’on a commencé à jouer avec Simon. J’avais envie de faire un texte un peu con. Et puis il y a Les Rives de la Volga. On l’avait joué quand on s’appelait Le Chien Fauve. Le Jardin, la dernière chanson de l’EP, est également la dernière composée au moment de l’enregistrement. On a passé beaucoup de temps sur celle-ci ; il y a beaucoup de difficultés au niveau des harmonies vocales…

    UN ALBUM EN 2016, PRÉCÉDÉ DU SINGLE PACIFIQUE.

    B&G : Quand vous aviez joué au Chat Noir (cf. live report), vous nous aviez parlé d’un album à paraître dans le courant de l’année 2016, c’est toujours d’actualité ?

    R : On va déjà sortir un single qu’on va enregistrer nous-mêmes. Le titre s’appelle Pacifique. On l’avait joué au Chat Noir. Si nous sommes contents du résultat, on fera le reste nous-mêmes, sinon on partira dans un vrai studio.

    Q : Les chansons qu’on a prévues de mettre dans l’album sont dans la même lignée que celles de l’EP, mais sont en même temps très différentes: ce sont des chansons que l’on arrange et que l’on répète vraiment à quatre cette fois. On aura plus le temps de travailler chacune des parties et de trouver un son qui nous plait. Il y aura plus de guitare électrique aussi… Le son sera un peu plus bordélique, dans le sens spontané, il faut que ça sonne vrai. 

    B&G : Vous écoutez quoi en ce moment, y compris des choses non avouables ?

    R : Ce matin j’écoutais les Clash. Et puis Séverin, son dernier album "Ca ira tu verras" est pas mal du tout. Hospitality, Motorama aussi. Du côté des choses non avouables, Eddy Mitchell. Je suis en train de déraper là. 

    Q : Je viens de finir la biographie de Sonic Youth, alors j’écoute toute leur discographie en ce moment. Joy Division aussi. Et hier j’ai reçu un vinyle de Pavement.

    B&G : Pour la première fois, car nous avions fait l’interview dernier coup avant votre concert au Chat Noir, nous allons faire l’interview premier coup. Premier coup de rouge ?

    R : A la fin du collège, c’était la veille d’un concert des Strokes qu’on était allé voir. J’étais pas bien du tout. Mauvaise expérience… J’ai du mal à réaliser que j’ai pris ma première cuite à ce moment-là… (rires)

    Q : En ce qui me concerne, ça devait être chez Rodolphe, j’avais 14-15 ans. La veille du concert des Strokes, j’étais sorti aussi, mais j’étais rentré plus tôt que Rodolphe !

    B&G : Premier coup de cœur ?

    Q : Rape Me de Nirvana !

    R : Tout l’album « In Utero » [troisième album de Nirvana, sorti en 1993], c’est le premier disque que j’ai acheté. J’aimais beaucoup les Pixies à l’époque aussi, j’étais allé les voir en concert, en première partie des Red Hot, au Parc des Princes.

    B&G : Premier coup de gueule ?

    R : Ce concert des Red Hot justement ! J’étais pas content du tout, alors que j’avais presque pleuré pour le concert des Pixies.

    Q : Le troisième album des Strokes, déception.

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  • - Alex Rossi : La famiglia

    - Summer Fiction : By my side

    - Hugo : A l'intérieur

    - Flowers : Bitter pill

    - Selfoss : Aurelia

    - Céline Tolosa : Cover girl

    - Forever Calypso : Bungalows

    - Trumpets of Consciousness : Never again

    - Lilimarche : Amour d'été

    - Orchidée Noire : Essence vitesse

    - SIGHS : Don't drown

    - Athletico : Aventura


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  • Interview du groupe ALGO - 29 janvier 2016.

    Par Baptiste et Gérald PETITJEAN.

    Photos d'Olivier REBECQ.

    Rencontre avec Sylvain, le chef d'orchestre du groupe ALGO, qui a sorti récemment "The Misunderstanding", EP de 5 titres explorant une pop orchestrale, baroque et élégante, quelque part entre Belle & Sebastian et The Divine Comedy.

    Interview du groupe ALGO, 29 janvier 2016

    Baptiste & Gérald : Quel est ton parcours musical ? Comment se sont développés tes liens avec la musique ?

    Sylvain : Ma mère écoutait beaucoup de musique. En particulier Abba, les Bee Gees et les Beatles. Elle vient du Laos et là-bas les Beatles étaient des grandes stars : ses frères voulaient absolument leur ressembler, ils mettaient des mouchoirs mouillés sur la tête pour avoir les cheveux bien raides et se faire une coupe au bol parfaite. Je me rappelle qu'on chantait I Started A Joke des Bee Gees.

    B&G : Quand as-tu commencé la musique ?

    S: J'ai rejoint la fanfare du village, quand j'étais petit, vers 8 ans. J'ai fait du solfège et j'ai trouvé ça chouette Je me suis mis au saxophone. Je suis passé de l'alto au ténor, puis au baryton. Puis le collège est arrivé. Après avoir écouté plein de merdes, je suis tombé sur une cassette de l'Unplugged de Nirvana : je me suis dit « Waouuh ! ». En 3ème, c'était la guerre Oasis – Blur. « (What's the Story) Morning Glory ? » est le premier CD que j'ai acheté.En 1997, j'ai commencé à monter des groupes pour jouer de la britpop, à reprendre des chansons d'Oasis et de Nirvana, puis à composer mes premières chansons. J'ai appris tout seul la guitare. Mes parents m'ont dit : « si tu as un 2ème instrument et que tu n'en joues pas, il n'y en aura pas de 3ème. » Donc je m'y suis mis à fond ah ah. En fait, j'apprenais en regardant les numéros des tablatures. Au début, je jouais juste une ligne sur les six. Je me suis mis à poser tous les doigts en pensant vertical et de la manière qui me semblait la plus logique possible. Et je me suis rendu compte avec un pote qui apprenait des trucs comme les Guns N' Roses que j'avais trouvé tout seul les bonnes positions des accords. C'est ma première grande satisfaction de musicien ! Au lycée, on a continué à faire de la musique avec le groupe : on a fait des tremplins locaux, on a joué au Bateau Ivre, la grosse salle de Tours qui a malheureusement coulé, sans jeu de mots. Ensuite, j'ai rencontré Marion (aka Mesparrow).  Elle était en Arts Appliqués et elle avait une super voix. A cette époque, j'écoutais beaucoup The Auteurs. A la fin d'une cassette de mon ami Julien sur laquelle il avait enregistré une black session des Auteurs, il m'avait mis deux morceaux du premier album de Placebo. J'ai trouvé ça génial et on a monté un groupe de noisy pop, Moonshine, avec Marion en tant que chanteuse principale. Ça a duré cinq ou six ans, de la fin du lycée jusqu'à la fac. On a fait pas mal de concerts dans les environs de Tours et on a sorti un CD. Plus tard, on a refait un projet folk. A cette époque, on voyait beaucoup de concerts à Vendôme, en particulier dans le cadre des Rockomotives et à Tours : Calc, le groupe de Julien Pras, Deus, Venus, Calexico … Ca nous a donné plein d'envie. On a enregistré un 5 titres qui n'est jamais sorti . Je suis ensuite monté à Paris et j'ai eu d'autres groupes. C'est là que j'ai rencontré Lyssalane. Je leur ai demandé s'ils ne cherchaient pas un guitariste. Mais ils en avaient déjà trois... Donc, je leur ai dit que je jouais aussi de la basse, du piano, … J'ai passé une audition et ça été une grande histoire pendant 3 ans. On a sorti 2 EP puis le groupe a splitté. Richard, le batteur, est parti jouer avec Owlle, la chanteuse. Maintenant il est notamment avec Adrien Soleiman et il a créé son label, Hylé Tapes. Vincent compose de la musique de films, et Mathieu, de son côté, a monté le groupe Odds & Ends. Moi j'ai monté ALGO, accompagné par Eric, mon « frère », qui m'a suivi depuis la fin de Lyssalane.

    B&G : Quelle est la signification du nom ALGO justement ?

    S: C'est l'acronyme de « A Light goes Out », qui était le nom du groupe au départ. C'est une référence à la fois à There Is A Light That Never Goes Out des Smiths et à Lights Off des Dears, l'histoire d'un mec qui se réveille à 5 heures du matin, qui n'arrive pas à dormir et qui se pose trop de questions existentielles. ALGO, c'est un peu un mélange entre ces deux chansons, entre la déclaration d'amour et la crise de la trentaine.

    B&G : Comment et pourquoi as-tu lancé cette nouvelle aventure musicale ?

    S: Vers 2011, j'ai eu envie de me remettre à la composition, de faire une musique plus orchestrale, avec des cordes notamment. Ca faisait longtemps que je n'avais pas composé, et je souhaitais exprimer  plein de choses . Comme c'est difficile de trouver des instruments à cordes, au début, je me suis débrouillé avec d'autres musiciens   De fil en aiguille, Eric et moi nous nous sommes retrouvés seuls. On avait sorti un EP 3 titres avec des cordes en numérique puis on a enchaîné avec un 2ème EP, cette fois avec un ami trompettiste et moi au piano. Ça avait un peu plus d'allure, ça sonnait plus authentique. Petit à petit, on s'est construit un réseau parisien, où la rencontre avec les Balades Sonores nous a beaucoup aidés. Tous ces contacts m'ont donné envie de continuer. Puis je suis parti sur internet à la recherche d'autres musiciens. On a joué pendant un an avec un trio à cordes et on a trouvé Ghislain, notre génial guitariste. Mais jouer avec un trio à cordes, c'est très compliqué : il faut beaucoup répéter, et c'est difficile de monopoliser tant de monde pour jouer des chansonnettes. Et les salles ne s'ouvrent pas forcément à ce format de groupe. On a quand même joué aux Trois Baudets ... Après ce concert, on a  rencontré Pauline à l'alto, qui m'a mis une grosse claque quand je l'ai entendue jouer... Puis j'ai eu envie de faire quelque chose avec un trio de cuivres : trompette, trombone, cor. Donc me revoilà parti sur internet … Rémi, Mister Trombone dans ALGO, nous a rejoint ainsi que Jonas à la basse.  Nous voilà aujourd'hui comme les six doigts de la main.

    B&G : C'était une volonté de ta part d'aller vers une pop à la fois fine et aussi plus orchestrale ? Un peu entre Divine Comedy et le Belle & Sebastian des débuts ?

    S: Oui, j'aime bien quand c'est baroque et élégant. Le côté grandiloquent de Divine Comedy et le côté fin de Belle & Sebastian.

    B&G : D'autres groupes t'ont-ils influencé pour ALGO ?

    S: Oui, Calexico. Et en particulier Blonde Redhead et leur album « Misery Is A Butterfly », qui m'a véritablement scotché. Quand j'ai entendu les cordes, j'ai trouvé ça magique. Et quand j'ai su que les deux jumeaux avaient fait des études de musicologie, comme moi, je me suis dit que c'était possible, que je pouvais me lancer. Je les ai vus en concert au Printemps de Bourges notamment, et j'ai pris une énorme claque.

    B&G : C'est peut-être moins direct, mais côté influences, on pense aussi à Colin Blunstone, en particulier à ses deux premiers albums « One Year » et « Ennismore ».

    S: J'ai écouté une compilation des Zombies et un album de Colin Blunstone en mp3. Les harmonies sont magnifiques. On retrouve un membre des Zombies aux arrangements dans   l'album « Fold Your Hands Child, You Walk Like a Peasant » de Belle & Sebastian, qui est un de mes albums préférés. En parlant d'harmonies, mentionnons Elliot Smith, dont je suis plus que fan. J'aime quand les suites d'accords sont riches, pas forcément aussi complexes que dans le jazz, mais que ça trace un chemin, même quand il n'y a qu'une seule note qui fait le lien entre deux accords.

    B&G : Comment travailles-tu les compositions des morceaux d'ALGO ?

    S: Il faut déjà que la chanson sonne bien en guitare – voix, tout simplement. Quand je compose, j'imagine qu'il y a autour de moi tous les musiciens du groupe, j'entends les cordes et les cuivres, j'entends la rythmique. Je veux que ce soit élégant et aérien. Il faut que ce soit beau, même si chacun a sa définition du beau, hein ? L'important, c'est surtout que je ne reconnaisse pas la suite d'accords. Quand j'ai un doute, je vais vérifier dans mes CDs ou sur Spotify, pour être sûr que je peux conserver ma mélodie et que je ne suis pas dans le plagiat !

    B&G : Ta musique est assez singulière. Avec cette profusion orchestrale…

    S: Oui. Il faut avant tout que ça soit personnel, que ça me ressemble. Et que ce soit original, si possible, par rapport au paysage culturel.

    B&G : Tu ne te mets pas de barrière ? Par exemple, te dire que ça va coûter trop cher de mettre des cordes et des cuivres. Que ça va être compliqué à enregistrer.

    S: Non car c'est vraiment ce que je veux faire. Quand on a fait les cordes avec des synthés, je me suis rendu compte que même les meilleurs logiciels ne remplaceront pas un orchestre. Et quand j'ai entendu pour la première fois dans mon salon le trio à cordes que j'avais réuni, ce fut une sensation géniale. Je ne pensais pas faire un projet musical comme cela mais je veux toujours aller au bout. Même si c'est beaucoup de travail... J'écris toutes les parties musicales, pour tous les instruments, avec certaines instructions de jeu. Les musiciens d'ALGO sont là pour sublimer et me faire entendre ce que j'avais imaginé : c'est magique ! On joue mes chansons, ce n'est pas un diktat mais un postulat de départ. Au final, le plus compliqué avec de la pop indé orchestrale, c'est de trouver des salles de concert pour jouer ! L'appel est lancé (rires) !

    Interview du groupe ALGO, 29 janvier 2016

    B&G : Et pour les paroles, tu as fait le choix de l’anglais…

    S: Oui, mais j’utilise un anglais assez simple, qui n'est pas très littéraire. Je fais corriger les textes par des amis qui sont bilingues. Quand je chante, il faut que je comprenne ce que je dise. Mes chansons parlent simplement de la vie de tous les jours.

    B&G : Tu n'envisages pas de chanter en français ?

    S: Quand j'étais ado, j'aurais aimé être un dandy anglais avec tous les stéréotypes qui vont avec. J'adore la langue anglaise, j'ai même fait un petit bout de fac d'anglais avant la musicologie. Et presque toutes mes influences musicales sont britanniques, ou anglo-saxonnes. Mais, un jour je pense que j'essayerai d'écrire en français. Il faut que je me laisse du temps, voir si j'en suis capable, si ça a du sens, et si ça a une raison d'être dans ALGO.

    B&G : On pose souvent cette question car ce qui peut être bloquant dans le français, c'est la pesanteur de la langue, qui n'existe pas dans l'anglais. C'est difficile de conserver la simplicité et de ne pas tomber dans la chanson à textes.

    S: C'est ça. En français, on peut vite devenir soit too much, soit cul-cul. Tout dépend de ton talent !

    B&G : Tu écoutes des artistes français ?

    S: Gainsbourg, Les Innocents, Thomas Fersen, La Maison Tellier, Mina Tindle.

    B&G : On va revenir à l'EP, « The Misunderstanding », qui est sorti récemment. Quelle est la signification de ce titre ?

    S: Ce titre, qui est aussi une chanson de l'EP, a un rapport avec l'incompréhension et les malentendus avec certaines personnes, qui te jugent, qui te mettent dans des cases. Le temps passe tellement vite, il faut avancer et ne pas se laisser polluer par ces personnes. C'est aussi l'idée de la chanson Time To Say Goodbye. Les autres chansons, comme Between Her Arms et A Special Life, évoquent plus le fait de se retrouver dans les bras de ma copine, de retrouver un réconfort par rapport aux tensions du quotidien, aux choses qui nous grignotent sans qu'on le sache. Tout cela a été magnifiquement retranscrit sur la superbe pochette réalisée par Pascal Blua.  Un magicien ...

    B&G : Ca n'a pas été trop compliqué à enregistrer ?

    S: Si ! 13 musiciens ont participé à l’enregistrement. Et comme l'improvisation n'est pas trop mon truc, j'ai beaucoup travaillé avant de passer en studio. Igor Moreno, l'ingénieur du son qui a produit l'EP et aussi le deuxième magicien pour ALGO, a fait un énorme travail. J'ai aussi tenu à utiliser un clavecin, ce qui n'a pas été facile à trouver : les gens ne veulent pas prêter leur clavecin à un « jeune rockeur ». Du coup, j'ai contacté le CNSM de Paris. Et ils m'ont répondu ! C'était génial : j'ai pu jouer sur un vrai clavecin accordé en 440, et aussi sur un piano à queue Steinway. Comme quoi, parfois, ça vaut le coup d'insister et de forcer les choses. Bon, parfois, ça fait aussi chier les gens (rires). D'un point de vue financier, le fait que Microcultures veuille bien de nous pour le crowdfunding, ça nous a beaucoup aidé. J'étais très fier de collaborer avec eux. J'avais avancé pas mal d'argent et ça a fait plaisir à mon banquier.

    B&G : Qu'est-ce que tu aimerais pour 2016 ?

    S: Sortir l'EP en vinyle et faire un clip, ce qui serait un beau cadeau pour nous et pour les personnes qui aiment bien ALGO. Et aussi trouver un label et un éditeur, pour placer les chansons, pour faire connaître notre musique, et pour être aidés. Le but, ce n'est pas de se faire plein d'argent, c'est d'arriver à financer notamment la production d'un EP pour janvier 2017. J'aimerais aussi faire des concerts en province, quitte à faire des allers-retours le week-end.

    B&G : On va finir avec l'interview « Dernier Coup ». Dernier coup de blues ?

    S: Le boulot.

    B&G : Dernier coup de cœur ?

    S: Je vais être papa dans 6 mois.

    B&G : Dernier coup de rouge ?

    S: Samedi. C'était mon anniversaire.

    B&G : Bon anniversaire en retard ! Dernier coup de gueule ?

    S: Ce matin, en classe. J'ai sorti ma grosse voix à cause d'un retard...

    Pour suivre les actualités du groupe ALGO :

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       - Bandcamp : https://wearealgo.bandcamp.com/


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  • Soirée "This Is French Pop #2" - 11 mars 2016 – Le Pop In (105, rue Amelot – 75011 Paris).

    Soirée "This Is French Pop 2" : 11 mars 2016, au Pop In,avec Thesaintcyr et Nevski

    Little John's Pop Life organisera la deuxième édition de « This is French Pop » au Pop In (105 Rue Amelot, 75011 Paris) le vendredi 11 mars prochain, à partir de 20h30. Il y aura deux concerts des excellents Thesaintcyr et Nevski, suivis d’un DJ set 100% French Pop.

    Pour en savoir plus sur les groupes qui vont jouer :

       - Thesaintcyr : https://www.facebook.com/Thesaintcyr-139823134476/ et http://www.thesaintcyr.net/

       - Nevski : https://www.facebook.com/Nevski-390409384423202/ et http://nevski.bandcamp.com/

    Et pour ceux qui avaient manqué la première édition de "This Is French Pop" ou qui veulent se souvenir de cette super soirée, le live report se trouve ici : http://ljspoplife.eklablog.com/live-report-this-is-french-pop-1-10-avril-2015-pop-in-a117453200


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  • Interview de Maud Octallinn (China, le 21 janvier 2016).

    Par Baptiste et Gérald PETITJEAN.

    Photos d'Olivier REBECQ.

    Interview de Maud Octallinn, 21 janvier 2016

    RETOUR SUR LE CONCERT DE MAUD OCTALLINN AUX TROIS BAUDETS [LUNDI 18 JANVIER]

    Baptiste : Très bon concert aux Trois Baudets, on sent que tu as beaucoup progressé et que ta palette s'est considérablement élargie, et pas seulement car tu as joué en formation complète (piano, soubassophone, trombone, batterie et basse) ...

    Maud Octallinn : C'est vrai que j'étais un peu plus à l'aise qu'à mon premier concert dans cette même salle (en mars 2015, à l'occasion d'une soirée Klaxon, en duo avec mon batteur). Non seulement grâce à mes musiciens, mais aussi grâce au public, que j'ai senti plus réceptif. Ce concert m'a fait avancer d'un grand pas, je crois.

    B&G : Sur la scène des Trois Baudets, tu évoquais une « soirée Ratés du Coeur », et tu te décris souvent comme une « crooneuse ratée »… Tu es la Jean-Claude Dusse de la chanson ? 

    MO : Je n'ai jamais vu « Les bronzés font du ski ». Ma vie sentimentale n'est qu'une succession de ratages incroyables. Et plus ça vient, moins ça s'arrange, mais tout cela me fait beaucoup rire. J'essaie, dans la vie comme dans mes chansons, de rire de tout, et surtout de moi-même. Comme je l'explique souvent aux personnes m'imaginant pessimiste, « rater » ce n'est pas échouer, bien au contraire, c'est se casser un peu la gueule pour comprendre ses faiblesses et faire mieux par la suite. Mon ratage à moi, c'est la résilience du cœur. J'agis parfois sans trop réfléchir (mon côté bulldozer), alors je me casse souvent la gueule, c'est normal. Là par exemple, je viens d'arrêter mon job pourtant intéressant pour me consacrer à la musique et à l'écriture... La peur de ne pas réussir à subvenir à mes besoins me paralyse. La scène me terrifie. Le regard et les oreilles des autres ? Quelle horreur. Sur scène, c'est plus que du trac, je traverse de vraies crises existentielles, je me dis « mais qu'est-ce-que je fous là, qu'est-ce que j'ai fait pour mériter ça ? ». Ces petits mélodrames très intimes, je les transforme comme je peux, tantôt en anecdotes que je raconte au public entre les morceaux, tantôt en sourires gênés. Je suis sans doute un peu maso. Ou lucide, car il est évident qu'on avance mieux dans l'inconfort.

    B&G : Pourquoi ne pas avoir joué Super fière sur mon bulldozer aux Trois Baudets le 18 janvier dernier ?

    MO : Je l'avais prévue en rappel, mais nous avons été contraints de jouer 30 minutes et pas une de plus. J'ai conçu ce set pour me donner l'occasion d'expérimenter de nouvelles choses avec mes musiciens. C'était seulement notre deuxième concert en quatuor. Il y en aura d'autres, mais pour des raisons purement pratiques, beaucoup de concerts solo m'attendent. J'ai du coup opté pour La joie seule en morceau solo de milieu de set, car elle trouvait davantage sa place au sein des autres morceaux de ce set, et non pour Super fière sur mon bulldozer, qui est pourtant le titre qui m'identifie le plus depuis le début de ce projet (notamment grâce à sa sortie sur le Volume 5 des compilations La Souterraine). Et pour cause, c'est la première chanson que j'ai composée en 2014, quand j'ai décidé de faire de la musique seule. Avant cela, j'ai joué pendant quelques années dans un groupe de post-jaijamaissuquoi (folk ?) : aventure musicale et humaine très formatrice. Cette chanson incarne beaucoup plus qu'un simple désir de vengeance suite à une rupture sentimentale. En 2014, j'ai vécu une révolution intérieure : j'ai commencé à faire le deuil des modèles familiaux et sociaux que je fantasmais depuis mon enfance et à accepter ma marginalité. Monter sur un bulldozer, c'était mon moyen bien à moi de prendre de la hauteur et de surmonter cet état de profonde tristesse dans lequel j'étais. Dans mon imaginaire, il s'agit en vérité d'un tracteur, et plus particulièrement du tracteur rouge de mon grand-père, que j'ai beaucoup conduit quand j'étais gamine. Mais comme souvent quand on écrit et compose simultanément (c'est comme cela que je procède la plupart du temps), on délaisse les mots du réel au profit de mots choisis (mais pas nécessairement jolis) pour leur sonorité et leur couleur. Les mots ont plusieurs dimensions dans ma tête, je ne les choisis pas par hasard.

    UNE APPROCHE DE LA MUSIQUE A LA FOIS CANDIDE ET AMBITIEUSE

    B&G : Parle-nous de ton parcours maintenant, les étapes qui ont mené à ce que tu te lances en solo.

    J'ai passé une partie de mon enfance dans le Sud de la Champagne (Engente, 30 habitants, des vignes, des forêts, des chèvres et du fromage), puis une autre dans le Nord, à Reims (une cathédrale impressionnante). Dans le Sud, il n'y avait rien pour les oreilles : pas de télé, pas de radio, pas de magnétophone. Mais il y avait ma grand-mère, perchée sur son piano désaccordé, qui préparait les messes en remaniant des chants liturgiques à sa sauce et qui dirigeait des chorales d'écoliers en chantant à tue-tête un répertoire très éclectique de chansons francophones. Alors je l'imitais, sans doute, en chantant mes propres comptines sur ce piano qu'elle finit par m'offrir avant tout pour s'en débarrasser. Il y avait aussi une école de musique, avec un professeur de piano patient au nom floral, Monsieur Violette. Une fois dans le Nord, sur les conseils de ce Monsieur Violette, ma mère m'inscrit au Conservatoire. Les professeurs sont moins patients, à l'exception d'un : Monsieur Eberlé, qui anime « l'atelier chanson » et qui m'incite tout d'abord à m'accompagner au piano tout en chantant (du Brassens, du Ferré et autres grands classiques), puis à jouer dans des bistrots. Je quitte le conservatoire à 16 ans, juste avant de ne plus pouvoir composer qu'avec le cœur. C'est une fois que je n'étudie plus la musique que je commence à m'y intéresser sérieusement. Je découvre le jazz, la musique progressive et les musiques du monde en écoutant enfin des disques (Keith Jarett, Chick Corea, Bobby McFerrin, Avishai Cohen, Joni Mitchell, Frank Zappa, Pink Floyd, Supertramp, Nino Ferrer, Ali Farka Touré, ...) et en jouant beaucoup de piano. Je débarque à Paris à 22 ans pour achever mes études de Lettres. Je ponds un mémoire sur la mise en musique post-romantique du mythe de Don Quichotte, mais j'abandonne la recherche, je préfère gagner ma vie rapidement et faire de la musique. Je me retrouve pianiste/choriste/parolière (en anglais) dans le groupe dont je parlais tout à l'heure. Je déteste la scène, mais je sens que j'apprends beaucoup, alors je me force. Je découvre la musique indé anglophone, des nouveaux héros entrent dans mes oreilles : Bill Callahan, Low, DM Stith, Espers, Sigur Ros, Phosphorescent, Joanna Newsom, Soap & Skin, Josephine Foster, Lhasa... Parallèlement à ce projet, je continue de mettre en musique mes textes, comme je le fais depuis que je suis enfant, sauf que mes textes ne ressemblent plus à des comptines, mais à de vraies chansons. À 26 ans, je quitte le groupe pour me consacrer à ma musique, sous le nom de Maud Octallinn (= Cantillon, mon vrai nom, mais dans le bon ordre, celui que j'ai choisi). J'ai commencé à utiliser cet anagramme très jeune, pour signer mes premiers écrits (des poèmes et des nouvelles).

    B&G : Quel rôle a joué ta mère dans ton éducation musicale et la construction de ta sensibilité ?

    MO : Dans ma famille maternelle, la pratique du piano se transmet de mère en fille depuis plusieurs générations, mais ni ma grand-mère ni ma mère n'ont eu la chance d'étudier la musique autant que moi. Je crois que c'est ce piano désaccordé et cette guitare à trois cordes sur laquelle ma mère puis moi avons appris à jouer et à chanter qui m'ont rendue un peu toctoc. J'aime les instruments abîmés, qui couinent, pleurent ou murmurent des histoires. Mon titre expérimental Resucito est un hommage à cet héritage maternel lo-fi (et mystique).

    B&G : Passons au présent ! En 2014, tu sors ton premier EP de trois titres, « Fête ratée »…

    MO : Oui, été 2014, le moral en berne, je joue mes nouveaux morceaux à mon ami Igor Moreno (producteur et ingé son de profession), qui m'aide à les enregistrer dans son studio, sans prétention, juste clavier/voix, pour avoir une trace. Après hésitation, je décide de mettre ces trois titres en ligne sur Bandcamp. C'est là que les ennuis ont commencé... La Souterraine en pince pour mon Bulldozer et me propose un premier concert à l'Olympic café. Hors de question de jouer seule, alors je cherche un batteur pour faire du bruit et prendre beaucoup de place sur scène. Par chance, je tombe sur Corentin (beau, gentil et doué), qui m'accompagne depuis maintenant plus d'un an. La mayonnaise prend bien, et hop, on monte notre premier set en duo en quelques semaines !

    Interview de Maud Octallinn, 21 janvier 2016

    UN UNIVERS MUSICAL SINGULIER-PLURIEL

    B&G : Ta voix et ta manière de chanter sont très singulières. Tu avais cette volonté de te distinguer ?

    MO : Peut-être parce que je n'ai jamais pris de cours de chant ? Je respire rarement au bon moment et ma prononciation laisse à désirer... En revanche, j'ai appris à déchiffrer des partitions pour piano en jouant une main et en chantant l'autre, c'est peut-être pour cela que je considère ma voix comme un instrument complice et parfois même comme une main droite supplémentaire. Je sens les limites de cette approche plus « jazz » que « chanson française ». J'ai conscience de placer l'auditeur dans l'inconfort et de le perdre avec certaines envolées lyriques.

    B&G : L'ambiance sonore de certains morceaux est également très particulière : on pourrait presque parler de variations moyenâgeuses sur certains morceaux...

    MO : Oui, vous n'êtes pas les premiers à faire ce lien. Je me suis beaucoup intéressée au chant grégorien et à la littérature médiévale. Il y a peu de modulations dans ma musique et mes compositions partent souvent d'un bourdon, que je m'amuse à triturer vers l'atonalité. Les compositeurs classiques que j'ai étudiés m'ont sans doute influencée : la seconde école de Vienne (Schöneberg, Webern), le club des 6 (Poulenc, Milhaud), et mes amours aussi : Mahler, Stravinsky, Debussy, Satie, Ravel, Messiaen, Arvo Pärt, Moondog... J'ai découvert la musique populaire sur le tard, finalement, et je crois que ça a foutu un gros bazar dans ma tête. Mais je ne sais pas si ces explications sont pertinentes, car aujourd'hui j'accorde tellement d'importance aux dimensions narratives et scéniques de mes morceaux et je réfléchis si peu au style que je souhaite pratiquer...

    B&G : Dans l'émission de France Culture à laquelle tu as participé, l'animatrice termine l'émission en disant que tu es la Nina Hagen de la Chanson français (http://www.franceculture.fr/emissions/les-carnets-de-la-creation/maud-octallinn-chanteuse), qu'en penses-tu ? 

    MO : J'ai ri parce que je ne la connaissais pas ! Des proches ont trouvé cette comparaison intéressante : une personnalité excentrique mais très saine d'esprit, qui en fait des caisses tout en s'excusant d'exister, une insoumise mystique, une impudique au grand jardin secret... Oui, il y a un peu de ça !

    B&G : Qu'est-ce-que tu écoutes en ce moment ?

    MO : Depuis la sortie de mon EP en 2014, j'essaie d'écouter tout ce qui se fait en matière de musique chantée en français, histoire de rattraper mon retard. En un an, j'ai découvert 50 ans de musique que je n'avais jamais écoutée de ma vie. J'ai eu la chance, à 28 ans, de découvrir Barbara, Gérard Manset, Dick Annegarn... Les compilations et les Mostla Tape La Souterraine sont une vraie mine d'or et m'aident beaucoup dans ce travail de recherche et d'écoute active. Mes goûts sont très éclectiques, y compris au sein même de cette niche francophone : j'écoute avec tout autant de plaisir les futuristes d'Aquaserge, les punks isolés (Fantôme, Le Bâtiment, Gontard !) les crooneurs plus identifiés (Bertrand Belin, Babx), les chamans du Saule (Philippe Crab, Antoine Loyer), les génies des mots et des planches (Mathieu Boogaerts, Fantazio, Nicolas Jules)... Et j'en découvre avec joie quasi quotidiennement.

    Interview de Maud Octallinn, 21 janvier 2016

    INTERVIEW « DERNIER COUP »

    B&G : Dernier coup de coeur ?

    MO : Je tombe très souvent amoureuse d'instruments de musique. Les derniers en date : un Beltuna diatonique, un piano bastringue nommé Coeury Paris, un Dulcitone tout cassé, un Petrof à grande queue rencontré à Prague, ou encore ma Telecaster déglinguée. Ça peut paraître matérialiste, mais il y a du vrai sentiment là-dedans.

    B&G : Dernier coup de rouge ?

    MO : Un Arbois rubis. Seule. Enfin presque, en compagnie d'une tartiflette maison, quoi. Le fromage, c'est important.

    B&G : Dernier coup de blues ?

    MO : J'ai récemment écouté toute la discographie de Nina Simone… Comment jouer du piano après cela ?

    Setlist du concert de Maud Octallinn aux Trois Baudets, le 18 janvier 2016 : J'aurais voulu aller au zoo (piano/batterie) > Prince FLAT (piano/batterie) > La soupe de ma maman (piano/batterie/soubassophone/trombone) > À cheval sur le monde rêvé sauvage (piano/batterie/basse/trombone) > La joie seule (piano solo + danseuses) > Pourquoi je chavire (piano/batterie/soubassophone/trombone) > De ma cabane (piano/guitare électrique/soubassophone/trombone + lampe torche et extrait de ma bible personnelle VIVRE) > Je suis une grosse flaque (piano/batterie/basse/trombone)

    Facebook : https://www.facebook.com/octallinn/  

    Bandcamp : https://maudoctallinn.bandcamp.com/ 


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