• Interview de Cléa Vincent (07 avril 2014)

    Interview de Cléa Vincent
    07 avril 2014 – Paris (Le Pop In)
    Par Baptiste PETITJEAN.

    Interview de Cléa Vincent (07 avril 2014)

    Je retrouve Cléa Vincent devant le Pop In en fin de journée et Denis arrive en même temps pour lever le rideau de fer. Cléa a joué plusieurs fois dans la cave de ce bar, y compris lors des sessions libres du dimanche soir. Elle nous a accordé une interview qui lui ressemble : sincère, directe, légère et fantaisiste.

    Cléa Vincent : Déjà, merci de m’avoir donné rendez-vous ici au Pop In. C’est vraiment un endroit important pour moi. C’est là que j’ai commencé : j’y ai fait mon premier concert en juin 2010. J’ai également participé aux scènes ouvertes du dimanche. C’est la première fois que je fais une interview ici, ce lieu évoque beaucoup de choses. Et tous mes potes artistes jouent là aussi : Kim [Giani], Natas Loves You, Baptiste W. Hamon, My Broken Frame. C’est plutôt en anglais, sauf pour Baptiste – même s’il avait commencé ici au Pop In avec des morceaux country en anglais – et plutôt pop indé. Le Pop In est comme une maison d’artistes, un repaire pour se rencontrer, monter des groupes. Le dimanche soir, pour les scènes ouvertes, tu peux avoir dix ou douze groupes qui passent à la suite ; ensuite il suffit de repérer les siens, ses frères, pour former sa petite famille. D’ailleurs, je me souviens qu’à la fin de ma première scène ouverte, Kim est venu me voir, et il m’a dit que ma musique lui faisait penser à Dick Annegarn, un chanteur belge qui est plutôt connu de nos parents. Ce n’est pas une référence évidente, et le fait qu’il me compare à ce chanteur que j’adore nous a permis de commencer à écrire des chansons ensemble très vite après cela.

    Baptiste : Que penses-tu de l’étiquette« Gnangnan Style » [cf. article de Libération] que certains voudraient te coller ?
    CV : J’ai bien aimé que l’article mette l’accent sur la musique légère. Evidemment, ma musique est légère, je mets même un point d’honneur à ce que ma musique soit véritablement légère, easy, et un peu décalée. En revanche, les textes expriment des sentiments assez profonds. Alors « gnangnan » oui peut-être parce que je dis ce que j’ai sur le cœur. Après, forcément, si on compare la nouvelle génération French Pop à Jacques Brel et tous les chanteurs à textes, on écrit comme des brelles ! Mais on ne veut pas rivaliser avec cette scène-là. On est plus ouverts sur l’international. Les groupes qu’on écoute chantent en anglais. Alors on essaie probablement de mélanger nos influences : chanson française, musique anglo-saxonne, et musique brésilienne en ce qui me concerne. C’est clair qu’on ne fait pas du Edith Piaf !

    B : Le magazine Magic t’a référencée dans les singles du mois d’avril et te compare à Lio et Chagrin d’Amour.
    CV : Je trouve ces comparaisons très pertinentes ! Un tube comme Banana Split est bourré de sous-entendus, le texte est très provocateur. Un morceau comme Le Méchant Loup est un peu dans cet esprit-là : cela ressemble à un conte, une fable, mais un peu louche. Et puis j’ai une adoration pour Lio. Son histoire personnelle me touche beaucoup : son rapport avec sa sœur [Helena Noguerra], qui a été très présente quand Lio a eu des problèmes avec son ex-mari. Ce sont des filles très classes, avec beaucoup de profondeur.

    B : Tu crois à un succès populaire de la French Pop dans les prochaines années ? Peut-être avec des groupes comme La Femme et Mustang par exemple ?
    CV : Je souhaite de tout mon cœur que des groupes comme Mustang ou La Femme marchent aussi fort que Stromae. J’ai vu Mustang à la Machine du Moulin Rouge la semaine dernière, je les ai trouvés incroyables. Les textes sont magnifiques. Ils ont aussi beaucoup de charisme… Ça compte beaucoup le charisme. Le mec de Lescop est monté sur scène à un moment, et pareil, le type a une vraie présence, il a une gueule. Vraiment, ces gens-là m’impressionnent. Ce que je me dis aussi c’est que ces groupes-là sont des groupes assez jeunes, et que leurs amis qui peuvent être dans les médias vont finir par occuper des postes clés. En fait, c’est toute une génération qui va arriver et qui va probablement mettre la lumière sur ces nouveaux groupes et sur la French Pop. En tout cas, jusqu’à présent, je ne me reconnais dans aucun groupe qui passe à la télé. J’espère qu’il va y avoir une prise de pouvoir, un putsch (rires) de ces nouveaux groupes. Et ça commence à bouger : La Femme a obtenu une Victoire de la Musique cette année. Il y a vraiment une nouvelle scène pop française de qualité, de vrais talents, avec des groupes très attachants qui nous font un peu rêver, qui nous emportent.

    B : Tu participais avec Mustang et The Pirouettes (entre autres) à la soirée Colette organisée le 14 février dernier, comment cela s’est-il fait (cf. live report de la soirée Saint Valentin à la Gaîté Lyrique) ?
    CV : Colette, ce qui les caractérise, c’est l’avant-gardisme. Alors ils repèrent pas mal de groupes, parfois même des groupes étranges. Ils mettent un point d’honneur à prendre le risque de diffuser des formations parfois même « chelou ». Ils sont très sélectifs pour les artistes qui participent à leurs soirées. En ce qui me concerne, il y a trois ans, j’avais enregistré des reprises de bossa nova avec le label Midnight Special Records, et ils nous avaient intégré dans une de leur music box. Le Directeur artistique musical de Colette, qui est un type qui a les oreilles partout, hyper cultivé, a repéré le petit label de Victor [Peynichou, directeur du label Midnight Records] et il nous a découverts via ces reprises de bossa nova. C’est un vrai chercheur de groupes.

    B : Tu viens d’achever une petite tournée européenne, c’était comment ?!
    CV : Ce qui est génial avec ce label, c’est qu’on est une toute petite équipe : on s’occupe ensemble de la production, de l’enregistrement, des tournées. Victor et moi-même avons donc tous les deux passé des coups de fil à des salles, à des programmateurs, etc, pour organiser cette tournée. Il y a un côté multi-task dans ce label que j’adore. Au final, on a tourné environ un mois entre février et mars, en Belgique, en Suisse, au Luxembourg, et en France bien sûr, dans des équivalents du Pop In en fait ! On a choisi des bars un peu comme ici, avec de la bière à foison (rires) et des groupes sympas avec lesquels on a partagé le plateau.

    B : Une anecdote sur un concert au Pop In ?
    CV : J’en ai même plusieurs des anecdotes, car le dimanche soir tu vois défiler un paquet de personnes ! Parfois, tu as des gens qui viennent et qui font des « performances », au lieu de venir chanter une chanson. Ça peut être bizarre, il y aurait des choses glauques à raconter ! Après, tu as des moments intéressants, quand une personne monte sur scène et capte tout de suite l’attention, les regards. Ces différences de charisme sur scène sont cruciales.

    B : Qu’attends tu de cette année 2014 ? Quid de la sortie de la deuxième partie de ton EP « Non Mais Oui » ?
    CV : Pour le prochain EP, ce sera effectivement la deuxième partie de « Non Mais Oui », que je ferai avec Midnight. Et ensuite j’aimerais bien autoproduire mon album, mais je n’y suis pas encore, ce sera plutôt pour 2015. Malgré tout, j’ai des idées précises sur la façon dont je veux le faire, probablement dans un plus grand studio, avec la participation de Midnight.
    Pour ce qui est du premier EP, j’ai eu beaucoup d’encouragements, beaucoup plus que ce que j’aurais imaginé. C’est comme si j’avais été un peu repérée et que maintenant certaines personnes attendaient de voir ce que je vais devenir. Il y a un côté carrément pressurisant ! Tu ne peux plus te permettre de faire des bêtises. On commence à être joué en radio, à être invité à des soirées concerts, à faire des interviews. C’est génial, ça encourage à continuer de travailler.

    B : Il y a un regain d’intérêt pour la pop en français depuis quelques années. En ce qui te concerne, pourquoi avoir choisi de chanter en français ?
    CV : Ce n’est pas seulement parce que mon accent est mauvais (rires), si c’était que ça, ce ne serait pas bien grave. C’est plutôt une question d’aisance dans l’écriture. J’ai toujours été nulle en anglais. D’ailleurs je me rappelle d’un truc : lors de ma première année de fac d’économie, on m’a rendu mon premier devoir d’anglais, et j’ai eu 4/20. J’ai appelé ma meilleure amie limite en pleurs et je lui ai dit : « Cécile, je suis dégoutée, je ne comprends pas, j’ai eu 4/20 ». Et là elle me fait : «  Mais Cléa t’as toujours été nulle en anglais ! ». Il y a une complexité quand même, je suis désolée, dans cette langue ! Je suis plus à l’aise en espagnol. Les temps en anglais… Je me paume complètement.

    B : il y a « All That She Wants » [reprise d'un tube des années 1990 d'Ace of Base] tout de même sur ton EP.
    CV: Oui c’est vrai. Mais ma meilleure pote qui est américaine m’a quand même dit : « Cléa c’est quoi cet accent ?! ». Bon, depuis elle l’écoute en boucle, ça va. Je pense qu’on s’habitue à l’accent. J’ai repris ce morceau en écoutant les conseils du batteur avec qui je travaille. C’est un morceau suffisamment ancien pour être repris, mais en même temps il est dans le coup.

    B : Tu as donc arrêté la fac pour te consacrer à la musique ?
    CV : J’ai fait une licence d’éco, après je me suis inscrite en master. Et j’ai abandonné, j’ai complètement craqué. J’étais ailleurs. J’étais entourée de bosseurs de oufs qui voulaient être dans la finance, banquiers … Moi, j’étais dans la musique, je me sentais top différente, complètement à l’ouest. C’était compliqué à vivre pour moi.

    B : Tu peux nous parler un peu de ton background musical ?
    CV : Je ne joue que du clavier. Et je compose aussi un peu sur logiciel, qui est un type d’instrument comme un autre, finalement. J’ai commencé à faire des chansons parce que j’ai redoublé ma licence, j’ai donc eu six mois sabbatiques, c’était en 2007. J’étais seule chez moi, et pendant un semestre, j’ai complètement badé, en plus j’étais en plein chagrin d’amour ; l’horreur quoi. J’ai passé mon temps à écrire des chansons tristes. Mais c’est un peu hors-temps maintenant, j’ai du mal à me revoir à cette période-là. Ceci dit, à l’époque, je vivais une vraie course-poursuite de l’amour (rires), c’était l’échec ! Ça me faisait beaucoup écrire. J’aimais – j’aime toujours d’ailleurs – le jeu amoureux, la séduction. J’adorais – j’adore toujours ! – l’amour impossible. J’adore courir après des trucs que je n’atteindrai jamais. Et ça, ça m’inspire plein de chansons. Je me suis trop ‘attaquée’ à des personnes qui ne s’attachaient pas, qui pouvaient courir dix-huit lapins en même temps. C’est un peu ce que j’appelle des muses : ce sont des personnes qui n’appartiennent à personne !

    B : Et il y a eu Cléa et les Coquillages aussi ?
    CV : C’était un projet parallèle à ce que je faisais en solo. C’était un groupe de reprises de chansons en français des années 60 et 70, plutôt en bossa nova. On était six sur scène, on a beaucoup joué ensemble. On avait même joué au carnaval Colette dans le jardin des Tuileries. C’est un groupe qui n’est pas fini.

    B : Tu adores la bossa non ?
    CV : C’est à cause du Brésil – même si je n’y suis jamais allée ! Leurs chanteurs me fascinent : Gilberto Gil, Jorge Ben Jor, Caetano Veloso. Ce sont des songwriters géniaux. Je pense que ce sont les meilleurs du monde. C’est pour cela que je suis si captivée. Ils montent sur scène comme on va se brosser les dents ! Ils sont toujours en marcel et tongs, et ils viennent exploser une chanson devant des milliers de personnes.

    B : Quels ont été les rencontres et les moments décisifs de ta jeune carrière ?
    CV : Il y a le Pop In, bien sûr. Tout est parti d’ici. Il y a eu aussi ma rencontre avec Jan Ghazi, un excellent directeur artistique. Il m’avait fait signer chez Polydor. C’est quelqu’un qui me suit, et qui me donne des conseils. Et puis ma rencontre avec Victor Peynichou, qui me délivre d’excellents conseils. Je pourrais aussi parler de mon père. Je le voyais un week-end sur deux. Et il me faisait des cassettes audio de jazz pour patienter. Ces cassettes constituaient une sorte de lien affectif …

    B : Le titre de ton EP « Non Mais Oui » peut être compris de plusieurs manières : obstination, indécision et caprice. Ou bien c’est un mélange des trois ?
    CV : « Non Mais Oui » résume bien ce qu’est l’insouciance : je ne réfléchis pas à ce que je ferai demain. « Non », parce que cela peut sembler déraisonnable de faire de la musique, mais « Oui » parce que je m’en fous, c’est ce que j’ai décidé de faire de ma vie. « Non mais oui » c’est aussi l’indécision. On est face au doute tous les jours quand on fait de la musique. Ce qui ressort de mes chansons c’est donc l’insouciance, mais aussi une sorte de sensualité. La sensualité, ça m’intéresse (rires) ! C’est toute la vie, on est tous là pour ça je pense… Enfin peut-être pas tous (rires). Après, quand je parle de sensualité, je pense plus à l’amour. L’amour c’est mon objectif n°1 dans la vie ! C’est hyper beau, et j’ai envie que ça marche, j’ai envie de tout donner pour ça ! Et en ce moment je me pose une question : concrètement, la vie de famille est-elle compatible avec le fait de faire de la musique ? Est-ce possible de faire les deux correctement ? Je crois que je me pose ces questions aussi car dans ma famille il n’y a pas d’artistes. Je suis la première à avoir suivi cette voix, il faut être un peu zinzin quand même. En même temps, je ne sais même pas si se poser ces questions sert à quelque chose …

    B : Cléa, on va maintenant faire une interview "Dernier coup". Dernier coup de coeur ?
    CV : La musique de Ricky Hollywood. C’est une bête de scène en plus. Bref, il déboîte !

    B : Dernier coup de blues ?
    CV : Après la tournée européenne, vers mi-mars. C’était affreux ! On a joué tous les soirs pendant un mois. En rentrant, j’ai eu deux jours off, et je les ai passés à pleurer !

    B : Dernier coup de fil ?
    CV : C’est Victor, on s’appelle toutes les cinq minutes

    B : Dernier coup de gueule ?
    CV : J’en ai beaucoup en ce moment. Mais il y en a un que je regrette : je me suis énervée avec un vigile récemment, pour rien en plus. C’était pendant mon concert aux Trois Baudets : il ne m’a pas laissé passer alors que je jouais le soir-même. Du coup ça m’a beaucoup énervée. Mais après, je me suis senti minable, et j’ai pleuré (rires) !

    B : Dernier coup de rouge ?
    CV : Au Cosmo, à Arts et Métiers. J’étais avec mon amie la plus proche, qui m’a fait des confidences incroyables … !


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