• Interview du groupe ALGO, 29 janvier 2016

    Interview du groupe ALGO - 29 janvier 2016.

    Par Baptiste et Gérald PETITJEAN.

    Photos d'Olivier REBECQ.

    Rencontre avec Sylvain, le chef d'orchestre du groupe ALGO, qui a sorti récemment "The Misunderstanding", EP de 5 titres explorant une pop orchestrale, baroque et élégante, quelque part entre Belle & Sebastian et The Divine Comedy.

    Interview du groupe ALGO, 29 janvier 2016

    Baptiste & Gérald : Quel est ton parcours musical ? Comment se sont développés tes liens avec la musique ?

    Sylvain : Ma mère écoutait beaucoup de musique. En particulier Abba, les Bee Gees et les Beatles. Elle vient du Laos et là-bas les Beatles étaient des grandes stars : ses frères voulaient absolument leur ressembler, ils mettaient des mouchoirs mouillés sur la tête pour avoir les cheveux bien raides et se faire une coupe au bol parfaite. Je me rappelle qu'on chantait I Started A Joke des Bee Gees.

    B&G : Quand as-tu commencé la musique ?

    S: J'ai rejoint la fanfare du village, quand j'étais petit, vers 8 ans. J'ai fait du solfège et j'ai trouvé ça chouette Je me suis mis au saxophone. Je suis passé de l'alto au ténor, puis au baryton. Puis le collège est arrivé. Après avoir écouté plein de merdes, je suis tombé sur une cassette de l'Unplugged de Nirvana : je me suis dit « Waouuh ! ». En 3ème, c'était la guerre Oasis – Blur. « (What's the Story) Morning Glory ? » est le premier CD que j'ai acheté.En 1997, j'ai commencé à monter des groupes pour jouer de la britpop, à reprendre des chansons d'Oasis et de Nirvana, puis à composer mes premières chansons. J'ai appris tout seul la guitare. Mes parents m'ont dit : « si tu as un 2ème instrument et que tu n'en joues pas, il n'y en aura pas de 3ème. » Donc je m'y suis mis à fond ah ah. En fait, j'apprenais en regardant les numéros des tablatures. Au début, je jouais juste une ligne sur les six. Je me suis mis à poser tous les doigts en pensant vertical et de la manière qui me semblait la plus logique possible. Et je me suis rendu compte avec un pote qui apprenait des trucs comme les Guns N' Roses que j'avais trouvé tout seul les bonnes positions des accords. C'est ma première grande satisfaction de musicien ! Au lycée, on a continué à faire de la musique avec le groupe : on a fait des tremplins locaux, on a joué au Bateau Ivre, la grosse salle de Tours qui a malheureusement coulé, sans jeu de mots. Ensuite, j'ai rencontré Marion (aka Mesparrow).  Elle était en Arts Appliqués et elle avait une super voix. A cette époque, j'écoutais beaucoup The Auteurs. A la fin d'une cassette de mon ami Julien sur laquelle il avait enregistré une black session des Auteurs, il m'avait mis deux morceaux du premier album de Placebo. J'ai trouvé ça génial et on a monté un groupe de noisy pop, Moonshine, avec Marion en tant que chanteuse principale. Ça a duré cinq ou six ans, de la fin du lycée jusqu'à la fac. On a fait pas mal de concerts dans les environs de Tours et on a sorti un CD. Plus tard, on a refait un projet folk. A cette époque, on voyait beaucoup de concerts à Vendôme, en particulier dans le cadre des Rockomotives et à Tours : Calc, le groupe de Julien Pras, Deus, Venus, Calexico … Ca nous a donné plein d'envie. On a enregistré un 5 titres qui n'est jamais sorti . Je suis ensuite monté à Paris et j'ai eu d'autres groupes. C'est là que j'ai rencontré Lyssalane. Je leur ai demandé s'ils ne cherchaient pas un guitariste. Mais ils en avaient déjà trois... Donc, je leur ai dit que je jouais aussi de la basse, du piano, … J'ai passé une audition et ça été une grande histoire pendant 3 ans. On a sorti 2 EP puis le groupe a splitté. Richard, le batteur, est parti jouer avec Owlle, la chanteuse. Maintenant il est notamment avec Adrien Soleiman et il a créé son label, Hylé Tapes. Vincent compose de la musique de films, et Mathieu, de son côté, a monté le groupe Odds & Ends. Moi j'ai monté ALGO, accompagné par Eric, mon « frère », qui m'a suivi depuis la fin de Lyssalane.

    B&G : Quelle est la signification du nom ALGO justement ?

    S: C'est l'acronyme de « A Light goes Out », qui était le nom du groupe au départ. C'est une référence à la fois à There Is A Light That Never Goes Out des Smiths et à Lights Off des Dears, l'histoire d'un mec qui se réveille à 5 heures du matin, qui n'arrive pas à dormir et qui se pose trop de questions existentielles. ALGO, c'est un peu un mélange entre ces deux chansons, entre la déclaration d'amour et la crise de la trentaine.

    B&G : Comment et pourquoi as-tu lancé cette nouvelle aventure musicale ?

    S: Vers 2011, j'ai eu envie de me remettre à la composition, de faire une musique plus orchestrale, avec des cordes notamment. Ca faisait longtemps que je n'avais pas composé, et je souhaitais exprimer  plein de choses . Comme c'est difficile de trouver des instruments à cordes, au début, je me suis débrouillé avec d'autres musiciens   De fil en aiguille, Eric et moi nous nous sommes retrouvés seuls. On avait sorti un EP 3 titres avec des cordes en numérique puis on a enchaîné avec un 2ème EP, cette fois avec un ami trompettiste et moi au piano. Ça avait un peu plus d'allure, ça sonnait plus authentique. Petit à petit, on s'est construit un réseau parisien, où la rencontre avec les Balades Sonores nous a beaucoup aidés. Tous ces contacts m'ont donné envie de continuer. Puis je suis parti sur internet à la recherche d'autres musiciens. On a joué pendant un an avec un trio à cordes et on a trouvé Ghislain, notre génial guitariste. Mais jouer avec un trio à cordes, c'est très compliqué : il faut beaucoup répéter, et c'est difficile de monopoliser tant de monde pour jouer des chansonnettes. Et les salles ne s'ouvrent pas forcément à ce format de groupe. On a quand même joué aux Trois Baudets ... Après ce concert, on a  rencontré Pauline à l'alto, qui m'a mis une grosse claque quand je l'ai entendue jouer... Puis j'ai eu envie de faire quelque chose avec un trio de cuivres : trompette, trombone, cor. Donc me revoilà parti sur internet … Rémi, Mister Trombone dans ALGO, nous a rejoint ainsi que Jonas à la basse.  Nous voilà aujourd'hui comme les six doigts de la main.

    B&G : C'était une volonté de ta part d'aller vers une pop à la fois fine et aussi plus orchestrale ? Un peu entre Divine Comedy et le Belle & Sebastian des débuts ?

    S: Oui, j'aime bien quand c'est baroque et élégant. Le côté grandiloquent de Divine Comedy et le côté fin de Belle & Sebastian.

    B&G : D'autres groupes t'ont-ils influencé pour ALGO ?

    S: Oui, Calexico. Et en particulier Blonde Redhead et leur album « Misery Is A Butterfly », qui m'a véritablement scotché. Quand j'ai entendu les cordes, j'ai trouvé ça magique. Et quand j'ai su que les deux jumeaux avaient fait des études de musicologie, comme moi, je me suis dit que c'était possible, que je pouvais me lancer. Je les ai vus en concert au Printemps de Bourges notamment, et j'ai pris une énorme claque.

    B&G : C'est peut-être moins direct, mais côté influences, on pense aussi à Colin Blunstone, en particulier à ses deux premiers albums « One Year » et « Ennismore ».

    S: J'ai écouté une compilation des Zombies et un album de Colin Blunstone en mp3. Les harmonies sont magnifiques. On retrouve un membre des Zombies aux arrangements dans   l'album « Fold Your Hands Child, You Walk Like a Peasant » de Belle & Sebastian, qui est un de mes albums préférés. En parlant d'harmonies, mentionnons Elliot Smith, dont je suis plus que fan. J'aime quand les suites d'accords sont riches, pas forcément aussi complexes que dans le jazz, mais que ça trace un chemin, même quand il n'y a qu'une seule note qui fait le lien entre deux accords.

    B&G : Comment travailles-tu les compositions des morceaux d'ALGO ?

    S: Il faut déjà que la chanson sonne bien en guitare – voix, tout simplement. Quand je compose, j'imagine qu'il y a autour de moi tous les musiciens du groupe, j'entends les cordes et les cuivres, j'entends la rythmique. Je veux que ce soit élégant et aérien. Il faut que ce soit beau, même si chacun a sa définition du beau, hein ? L'important, c'est surtout que je ne reconnaisse pas la suite d'accords. Quand j'ai un doute, je vais vérifier dans mes CDs ou sur Spotify, pour être sûr que je peux conserver ma mélodie et que je ne suis pas dans le plagiat !

    B&G : Ta musique est assez singulière. Avec cette profusion orchestrale…

    S: Oui. Il faut avant tout que ça soit personnel, que ça me ressemble. Et que ce soit original, si possible, par rapport au paysage culturel.

    B&G : Tu ne te mets pas de barrière ? Par exemple, te dire que ça va coûter trop cher de mettre des cordes et des cuivres. Que ça va être compliqué à enregistrer.

    S: Non car c'est vraiment ce que je veux faire. Quand on a fait les cordes avec des synthés, je me suis rendu compte que même les meilleurs logiciels ne remplaceront pas un orchestre. Et quand j'ai entendu pour la première fois dans mon salon le trio à cordes que j'avais réuni, ce fut une sensation géniale. Je ne pensais pas faire un projet musical comme cela mais je veux toujours aller au bout. Même si c'est beaucoup de travail... J'écris toutes les parties musicales, pour tous les instruments, avec certaines instructions de jeu. Les musiciens d'ALGO sont là pour sublimer et me faire entendre ce que j'avais imaginé : c'est magique ! On joue mes chansons, ce n'est pas un diktat mais un postulat de départ. Au final, le plus compliqué avec de la pop indé orchestrale, c'est de trouver des salles de concert pour jouer ! L'appel est lancé (rires) !

    Interview du groupe ALGO, 29 janvier 2016

    B&G : Et pour les paroles, tu as fait le choix de l’anglais…

    S: Oui, mais j’utilise un anglais assez simple, qui n'est pas très littéraire. Je fais corriger les textes par des amis qui sont bilingues. Quand je chante, il faut que je comprenne ce que je dise. Mes chansons parlent simplement de la vie de tous les jours.

    B&G : Tu n'envisages pas de chanter en français ?

    S: Quand j'étais ado, j'aurais aimé être un dandy anglais avec tous les stéréotypes qui vont avec. J'adore la langue anglaise, j'ai même fait un petit bout de fac d'anglais avant la musicologie. Et presque toutes mes influences musicales sont britanniques, ou anglo-saxonnes. Mais, un jour je pense que j'essayerai d'écrire en français. Il faut que je me laisse du temps, voir si j'en suis capable, si ça a du sens, et si ça a une raison d'être dans ALGO.

    B&G : On pose souvent cette question car ce qui peut être bloquant dans le français, c'est la pesanteur de la langue, qui n'existe pas dans l'anglais. C'est difficile de conserver la simplicité et de ne pas tomber dans la chanson à textes.

    S: C'est ça. En français, on peut vite devenir soit too much, soit cul-cul. Tout dépend de ton talent !

    B&G : Tu écoutes des artistes français ?

    S: Gainsbourg, Les Innocents, Thomas Fersen, La Maison Tellier, Mina Tindle.

    B&G : On va revenir à l'EP, « The Misunderstanding », qui est sorti récemment. Quelle est la signification de ce titre ?

    S: Ce titre, qui est aussi une chanson de l'EP, a un rapport avec l'incompréhension et les malentendus avec certaines personnes, qui te jugent, qui te mettent dans des cases. Le temps passe tellement vite, il faut avancer et ne pas se laisser polluer par ces personnes. C'est aussi l'idée de la chanson Time To Say Goodbye. Les autres chansons, comme Between Her Arms et A Special Life, évoquent plus le fait de se retrouver dans les bras de ma copine, de retrouver un réconfort par rapport aux tensions du quotidien, aux choses qui nous grignotent sans qu'on le sache. Tout cela a été magnifiquement retranscrit sur la superbe pochette réalisée par Pascal Blua.  Un magicien ...

    B&G : Ca n'a pas été trop compliqué à enregistrer ?

    S: Si ! 13 musiciens ont participé à l’enregistrement. Et comme l'improvisation n'est pas trop mon truc, j'ai beaucoup travaillé avant de passer en studio. Igor Moreno, l'ingénieur du son qui a produit l'EP et aussi le deuxième magicien pour ALGO, a fait un énorme travail. J'ai aussi tenu à utiliser un clavecin, ce qui n'a pas été facile à trouver : les gens ne veulent pas prêter leur clavecin à un « jeune rockeur ». Du coup, j'ai contacté le CNSM de Paris. Et ils m'ont répondu ! C'était génial : j'ai pu jouer sur un vrai clavecin accordé en 440, et aussi sur un piano à queue Steinway. Comme quoi, parfois, ça vaut le coup d'insister et de forcer les choses. Bon, parfois, ça fait aussi chier les gens (rires). D'un point de vue financier, le fait que Microcultures veuille bien de nous pour le crowdfunding, ça nous a beaucoup aidé. J'étais très fier de collaborer avec eux. J'avais avancé pas mal d'argent et ça a fait plaisir à mon banquier.

    B&G : Qu'est-ce que tu aimerais pour 2016 ?

    S: Sortir l'EP en vinyle et faire un clip, ce qui serait un beau cadeau pour nous et pour les personnes qui aiment bien ALGO. Et aussi trouver un label et un éditeur, pour placer les chansons, pour faire connaître notre musique, et pour être aidés. Le but, ce n'est pas de se faire plein d'argent, c'est d'arriver à financer notamment la production d'un EP pour janvier 2017. J'aimerais aussi faire des concerts en province, quitte à faire des allers-retours le week-end.

    B&G : On va finir avec l'interview « Dernier Coup ». Dernier coup de blues ?

    S: Le boulot.

    B&G : Dernier coup de cœur ?

    S: Je vais être papa dans 6 mois.

    B&G : Dernier coup de rouge ?

    S: Samedi. C'était mon anniversaire.

    B&G : Bon anniversaire en retard ! Dernier coup de gueule ?

    S: Ce matin, en classe. J'ai sorti ma grosse voix à cause d'un retard...

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