• Morrissey - Autobiography

    Note de lecture de « MORRISSEY - Autobiography », par Steven Patrick Morrissey [Penguin Classic : 2013]

    Par Baptiste et Gérald PETITJEAN.

     

    Morrissey - Autobiography

    Bien tard, vous direz-vous, pour publier notre recension de l’autobiographie de Morrissey, parue à l’automne 2013, dans la prestigieuse édition Penguin Classics, celle d’Oscar Wilde... Comme une évidence, bien que ce fût plutôt une exigence, voire un caprice, de la part du chanteur des Smiths. Ceci dit, le résultat est à la hauteur du défi artistique, tout en satisfaisant largement la curiosité des fans. Il s’agit bien d’un « livre littéraire », et non pas d’un fade récit chronologico-thématique de la vie du Moz par lui-même.

    La première partie du livre, allant de l’enfance à l’adolescence, est éblouissante de classe. On a le sentiment de lire les paroles d’une chanson des Smiths qui durerait des heures… On arriverait presque à entendre les mimiques vocales  de Morrissey et la musicalité de son style, tant les mots lui appartiennent, tant les thèmes lui sont attachés. Pour l’exemple, les premières phrases du livre : “My childhood is streets upon streets upon streets upon streets. Streets to define you and streets to confine you, with no sign of motorway, freeway or highway. Somewhere beyond hides the treat of the countryside, for hour-less days when rains and reins lift, permitting us to be amongst people who live surrounded by space and are irked by our faces”. Aucun doute, on a acheté le bon bouquin…

    Toutefois, il n’est ni souhaitable ni possible d’en faire un résumé, encore moins une synthèse. Car cette autobiographie est très déséquilibrée, non pas sur le plan littéraire, mais plutôt concernant la structure et les axes choisis. Plus de 100 pages consacrées aux déboires juridiques, aux guéguerres de droits entre les ex-membres après la séparation du groupe. Morrissey, ostensiblement aigri, se sentant particulièrement persécuté, notamment par le juge John Weeks, le nom le plus cité du livre… A l’inverse, à peine quelques lignes sur la composition de ses différents albums solos... Cette autobiographie est, d’une certaine façon, un exercice de style, et pas simplement le récit d’une vie. C’est ainsi qu’il faut aborder cette autobiographie ; il ne serait pas correct de tenter de la condenser ! En revanche, voici quelques extraits (bien) choisis.

    Manchester, avant et après la rencontre avec Johnny Marr. Une enfance calme et heureuse mais peu enthousiasmante, Manchester n’étant pas vraiment un havre de paix, où beauté et poésie auraient inspiré de jeunes personnes en proie au romantisme : “The ungovernable life is here in Manchester, all dark and unloving, with scaffolding and building work everywhere. Manchester architectural heritage is demolition” [page 199]. Morrissey navigue pourtant en plein spleen… jusqu’à la découverte des New York Dolls, qui provoque en lui, alors adolescent, un électrochoc. Il sent que la musique sera son chemin, le seul qui lui convienne, bien que les débuts s’avèrent difficiles, le succès et la reconnaissance n’étant pas franchement au rendez-vous : “At 21, penniless in a world of plausible excuses, I am alone with my goals” [page 145]. Heureusement, ce que Morrissey appellerait le destin – en totale immodestie mystique – vient briser cette torpeur qui aurait pu finir par le submerger totalement : Billy Duffy, guitariste de The Cult, lui souffle le nom de Johnny Marr pour relancer un groupe : “The suggestion is thoughtful, but I am not the type to tap on people’s window. Luckily, Johnny Marr was the type to tap on people’s window, and Billy had also turned Johnny to face my direction.” [page 141] En effet, Duffy avait, en parallèle, suggéré à Marr d’aller sortir Morrissey de son ennui. Quelques jours plus tard, ils font connaissance au domicile de Morrissey, qui prend la peine de préciser que Marr lui fait penser à Tom Bell dans le film "Payroll" [page 145]. Il faut dire que c’est assez bien vu.

    Les Smiths, anecdotes. Après la sortie du single Panic, Morrissey raconte l’entretien qu’il a eu avec Geoff Travis, fondateur du label Rough Trade Records, maison de disques qui a fait signer les Smiths en 1983 : “Geoff leans forward and removes his glasses.Do you know why Smiths singles don’t go any higher?’ I say nothing because the question is horribly rhetorical. ‘Because they’re not good enough.’ He puts his glasses back on and shrugs his shoulders. I glance around his office searching for an axe. Some murders are well worth their prison term” [page 207]. Sans commentaire, c’est suffisamment drôle comme ça.

    Encore plus fort, ce dialogue entre Morrissey et Jake Walters, celui qui a pris la photo qui figure en couverture de l’album “Years of Refusal”, et également celui qui a partagé la vie de Morrissey pendant deux années [1], de 1994 à 1996 : “ ‘I spoke to the doctor about human suffering’, I squint. / ‘I feel sorry for the doctor’, says Jake. / ‘I said I agreed that suffering wasn’t much of a price to pay if you live eventually sorts itself out, but he –‘ / ‘Oh shut up!’, says Jake. So I shut up [page 278].”

    Un autre dialogue, au sujet d’une commande d’Arnold Stiefel dans un restaurant de Beverly Hills : Morrissey ne supporte pas qu’Arnold ait choisi de manger des cuisses de grenouille. Voilà son argument pour l’en dissuader : “How would you like it if someone ordered YOUR legs for lunch ?” [page 280]

    Stephen Street. Petit clin d’oeil aux copains du groupe Aline, qui ont terminé il y a quelques semaines l’enregistrement de leur deuxième album, avec l’appui du producteur Stephan Street (The Smiths, Blur, Kaiser Chiefs…). Morrissey évoque les talents de ce dernier, notamment sur l’enregistrement du dernier album studio des Smiths, toujours pour Rough Trade : “Stephen Street is once again the link between our writing systems and technical language. Stern-faced, he detangles all parts. He is still very shy, but it is the Smiths that have made him grow, and he finds confidence with his scholastic session. These days and these days alone will begin his extensive career as a recording producer, and will procure for him a stylish reputation that, to his credit, he will always measure up to” [page 215]. Toujours à propos du dernier album, Morrissey révèle l’ambiance globalement positive lors des séances d’enregistrement, alors que le groupe devait se séparer quelques mois plus tard, en septembre 1987 : “Strangeways, Here We Come is the most joyful and relaxed Smiths studio session, with crates of beer wheeled in at the close of each day and no war in sight” [page 215].

    Morrissey hanté par la mort. Celle des autres tout d’abord, des membres de sa famille, de ses amis, de ses icônes. Hanté aussi par sa propre mort. Et c’est paradoxalement à la fin du livre, suite au décès assez récent de sa tante Rita – who “had been there every day of [his] life” [page 363] – qu’il finit par expliciter cette angoisse : “I am a clenched fist, and we are soon in the church, where our intensity must be contained because you must accept that for a while you are here, and the one day you are not, because it’s all part of living. Accept, accept, accept. Accept even the unacceptable” [page 365]. Même sa vie d’artiste ne l’aura pas rassuré, à en croire la légende d’une photo de lui-même, sur scène en plein concert, un genou à terre : “This microphone is my headstone” [page 454]. Considérant les récentes nouvelles concernant l’état de santé Morrissey, cette petite phrase est lourde de sens.

    [1] Morrissey écrit à propos de la rencontre avec Jake Walters : “For the first time in my life the ternal ‘I’ becomes ‘we’, as, finally, I can get on with someone” [page 274]


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