• Interview de Mamfredos, 9 octobre 2016

    Interview de Mamfredos.
    9 octobre 2016, Francis Labutte (122 rue Caulaincourt - 75018 PARIS).
    Par Baptiste et Gérald PETITJEAN.

    Rencontre avec Mamfredos, talentueuse multi-instrumentiste et férue de jazz, qui vient de sortir son premier EP "Changement de saison".

    Interview de Mamfredos, 9 octobre 2016

    Baptiste & Gérald : Peux-tu nous parler de ton parcours ? De ta première approche de la musique ?
    Mamfredos : J'ai baigné dans la musique. Avec des parents et une grand-mère maternelle fous de jazz, qui est vraiment la base de ma culture musicale. Ma grand-mère m'a amenée dès l'âge de huit ans au festival de jazz de Juan-les-Pins. Après, ma mère m'a fait découvrir d'autres artistes, comme Boby Lapointe …

    B&G : Quels sont les artistes et les disques de jazz qui t’ont influencée ?
    M : Il y en a un sacré paquet ! J’aime bien les formations classiques : piano, contrebasse, batterie. « Kind of Blue » de Miles Davis, un disque de référence. C'est pour moi un disque merveilleux, rien à ajouter, rien à enlever. S’il y avait un disque parfait ... J’ai un autre disque de chevet, qui a largement contribué à mon envie de faire de la musique : « Piccolo » de Ron Carter. J’ai aussi été impressionnée par Marcus Miller en concert. Quand j’allais au festival de Juan-les-Pins, j’étais frappée par le fait que ces gars-là ne s’arrêtent jamais : dès qu’ils sortaient de scène, ils filaient faire des jam sessions. D’ailleurs, dans un bar, j’ai pu voir Marcus Miller au piano et Roy Hargrove à la trompette. Ils ont joué pendant deux heures. Il n’y avait personne mais ils s’éclataient.

    B&G : Quels sont les concerts qui t'ont marquée quand tu étais petite ?
    M : Keith Jarrett en trio, avec Gary Peacock et Jack DeJohnette. J’ai dû les voir une dizaine de fois. Dans un autre style, je me souviens d'un concert de Massive Attack, toujours à Juan-les-Pins. Je devais avoir environ onze ans Et, ce qui est fou, c'est que je me suis retrouvée dans les loges avec le groupe, grâce à une pote de l'époque. On a mangé des concombres et des carottes avec eux ! C'était très cool, même si je ne parlais pas un mot d'anglais. Ana Popovic, une guitariste et chanteuse de blues, une sorte de Jimi Hendrix au féminin, m'a aussi beaucoup impressionnée : gamine, je ne pensais pas que c'était possible qu'une fille ultra sexy puisse jouer aussi bien de la gratte. A l'époque, je démarrais la guitare et ça a été un vrai déclic. Ma grand-mère avait réussi à obtenir un autographe de cette fille car elle avait compris que c'était important pour moi. C'est le seul autographe que j'ai. Et je ne sais pas où il est passé …

    B&G : Tu as donc démarré la musique avec la guitare ?
    M : Oui, des amies, qui étaient mes voisines, s’y étaient mises et j'ai eu envie de m'y mettre aussi. Ça m'a plu et je me suis lancée à fond.

    B&G : Tu as commencé tout de suite à écrire tes propres morceaux ?
    M : J'ai commencé à composer quand je prenais des cours de guitare avec un super prof, Cyrille Jakob. Je ne prenais qu’une heure de cours par semaine, mais on débordait souvent car on s’entendait super bien. On est devenus amis. Le cours était divisé en deux : d’abord on travaillait la rythmique, puis les techniques de solo à la fin du cours. Quand je travaillais les morceaux, je me plantais : et en me trompant d’accord, je trouvais que ça sonnait bien quand même. C’est comme ça que je me suis mise à la composition.

    Interview de Mamfredos, 9 octobre 2016

    B&G : Tu as ensuite appris à jouer d’autres instruments ?
    M : J’ai commencé par demander une carte son à mon anniversaire, pour pouvoir m’enregistrer. J’ai tout de suite superposé plusieurs pistes de guitare. Et j’ai eu envie d’arranger. Donc, je me suis mise à la basse pour amener plus de soutien à mes morceaux. L’étape d’après, ça a été la batterie. Déjà quand j’étais petite, je déménageais les casseroles de la cuisine au salon pour taper dessus. Je crois que pour tous mes Noëls et mes anniversaires, j’ai demandé des instruments ou du matériel de musique. Je suis complètement autodidacte, je ne suis pas une grande batteuse, je fais juste des « poum tchak », mais je pense que ça suffit pour faire de bonnes chansons pop. Ensuite, je me suis mise aux claviers car j’avais récupéré le piano de mon père, un quart-de-queue. A l’époque, à 17 ans, j’enregistrais dans le studio de Grégori Czerkinsky, du groupe Mikado, et j’ai rencontré Julien Baer qui m’a montré comment transposer les accords de guitare au piano. Il m’a donné mes premières clés pour composer au piano. Ça m’a fait beaucoup de bien car ça m’a ouvert d’autres horizons, ça m’a permis de sortir de mes habitudes de composition à la guitare, de mes réflexes de guitariste… Et ça parlait à ma culture jazz : sur un piano c’est bien plus évident de plaquer des accords "jazz" … Et ça m’a éclatée de placer ces accords "jazz" dans mes arrangements pop. Le fait d’être multi-instrumentiste me permet de ne pas ennuyer les autres et d’être autonome pour composer et enregistrer.

    B&G : En parlant d’autonomie, tu enregistres chez toi à Provins ?
    M : Oui. En ce moment, je monte un studio d’enregistrement à Provins. C’est une vraie chance. Je suis très contente et très excitée de me lancer dans cette aventure.

    B&G : Tout à l’heure, on a parlé des concerts qui t’ont marquée. Comment te situes-tu au niveau du live ? Tu en as fait beaucoup ?
    M : J’en ai fait très peu. Mamfredos sur scène, c’est du tout neuf ! J’avais joué dans un loft quand j’avais sorti mon premier single, Didoudamour. Récemment, j’ai fait un concert à La Java. C’est Mélanie Bauer (Radio Nova, France Inter) qui m’a invitée à jouer dans une de ses soirées « Tube à Essai ». Je venais de sortir le single Circa, et mon premier EP allait sortir. Pour ce concert, j’étais accompagnée par Valentin Durup, qui joue avec Robi et La Canaille… On se connaît depuis longtemps, on a accompagné un ami ensemble. C’est toujours un plaisir de jouer avec Valentin, on se capte bien, ça va vite ! Et je viens de jouer aux Trois Baudets (le 3 octobre), en version solo : avec ma guitare, un ordi, une SPD et un petit clavier. J’ai re-travaillé les arrangements des chansons pour proposer des versions différentes par rapport à l’EP.

    B&G : Tu peux nous parler de ton premier EP, « Changement de Saison » ?
    M : Ça m’a pris beaucoup de temps. C’est mon premier bébé ! Certaines chansons sont assez anciennes. Elles me sortent parfois un peu par les trous de nez, j’ai envie de les remixer, de les réarranger, de les rechanter, de changer un mot, de les produire différemment (et puis maintenant je vais avoir le studio, le vrai gros son !)… Mais j’ai décidé de les sortir telles quelles parce qu’il faut savoir poser la plume et qu’elles me représentent bien : c’est moi et j’en suis fière, il n’y a pas de triche. Des chansons et des disques il y en aura beaucoup d’autres !

    B&G : Tu retravailles souvent tes chansons ?
    M : Ça dépend. Trop tard par exemple, je l’ai faite en une nuit. Et je n’ai quasiment rien retouché après.

    B&G : Comment procèdes-tu ? Tu écris d’abord la musique ou les paroles ?
    M : Ça évoluera peut être, mais pour l’instant, je commence par la musique, avec des boucles, souvent la nuit. Je mets une boite à rythme, je plaque des accords, je me mets quelques sons, des textures, pour me poser une ambiance. Au bout d’un moment, j’ai une phrase qui vient, je la répète, un peu comme une litanie, puis d’autres phrases arrivent et complètent la première… De fil en aiguille se dessinent un couplet, un refrain… Et ensuite, je retravaille les arrangements : j’ajoute une basse, je reviens sur la guitare car la basse a apporté quelque chose de nouveau, puis j’ajoute des cordes, et je reviens sur la guitare, j’enlève les cordes, je mets un synthé… Ça peut rendre assez dingue !

    B&G : Quand est-ce que tu as décidé d’écrire tes propres chansons et de sortir des disques ?
    M : J’étais à la fac et je travaillais comme musicienne pour d’autres chanteuses. C’est d’ailleurs comme cela que j’ai rencontré Grégori Czerkinsky. C’étaient des chanteuses-comédiennes qui parlaient/chantaient et ça m’a beaucoup appris pour la composition et l’arrangement, car il fallait leur construire des univers qui leur soit propres, qui leur correspondent, qu’elles puissent être à l’aise et balancer les mots comme elles le souhaitaient, et surtout que ce soit leur musique à elles. Au bout d’un moment, en les voyant chanter, je me suis aussi sentie capable de la faire. Et je me suis lancée. A la même époque, Helena Noguerra m’a encouragée. Je l’avais rencontrée sur MySpace. Quand je lui ai fait écouter mes bouts de morceaux (qui faisaient 30 à 40 secondes), elle a trouvé ça bien et m’a dit : « Ils sont bien tes morceaux. Pourquoi tu ne chantes pas dessus ? ». Et je me suis laissée prendre au jeu. Je me suis rendue compte que la voix, c’était un peu l’instrument ultime. Aujourd’hui je m’amuse beaucoup avec ma voix. J’aime bien chanter différemment d’une chanson à l’autre, essayer des textures ... C’est comme quand je choisis de jouer de telle ou telle guitare sur tel ou tel titre, c’est un feeling que je cherche …

    B&G : Tu as évoqué Grégori Czerkinsky de Mikado, et aussi Helena Noguerra, qui est la sœur de Lio. La chanson Circa et son clip font penser à Niagara. Ces artistes des années 80 sont des influences que tu revendiques ?
    M : En fait, je les ai découverts assez tard. On m’a aussi parlé de François de Roubaix. Mais je ne connaissais absolument pas quand j’ai commencé. J’écoutais presque uniquement du jazz. Pour Niagara, c’est marrant, vous n’êtes pas les premiers à me dire ça. Certaines personnes trouvent que j’ai une voix et des intonations qui font penser à Muriel Moreno.

    B&G : Ca te fait plaisir qu’on te compare à eux ?
    M : Ah oui ! Ils ont fait des super chansons, avec beaucoup de fraîcheur et de sincérité. C’est tout ce que j’aime. De la pop de qualité.

    B&G : Dans tes compositions, qui sont de la pop, tu arrives à intégrer tes influences jazz ?
    M : J’ai fait des études de médiation culturelle. Pour moi, ce qui est important, c’est que le plus grand monde ait accès à l’art. J’essaye de faire en sorte qu’à travers mes chansons pop, les gens trouvent des portes d’entrée vers le jazz et inversement (que les passionnés de jazz puissent se retrouver dans la pop). Keith Jarrett, même si je suis dingue de sa musique, ce n’est quand même pas très accessible à tous, le gars ne fait aucun effort pour que tu rentres dans son bordel. L’idée, dans ma musique, c’est d’introduire des éléments issus du jazz, de les cacher. Pour qu’un jour, une personne qui a écouté mes chansons et qui n’aime pas le jazz, arrive à accrocher quand il en entend, arrive à tendre l’oreille, que ça lui parle inconsciemment. Mon plaisir, c’est de faire des chansons simples en apparence, mais très travaillées, dans lesquelles plusieurs lectures sont possibles.

    B&G : A la sortie de ton EP, est-ce que certains avis t’ont étonnée ?
    M : J’ai été surprise par une critique, censée être négative, que je n’ai absolument pas comprise : ma musique serait « limite vulgaire ». Du coup, j’ai réécouté tout l’EP, pour être sûre ! Et je me suis tapé un fou rire pas piqué des hannetons !

    B&G : Quels sont les artistes que tu écoutes en ce moment ? Tu t’intéresses à d’autres univers musicaux ?
    M : Cette année, je suis allée aux Francofolies et j’ai été emballée par Keren Ann, Lou Doillon et Emily Loizeau, qui sont pourtant très éloignées de mon univers. Le concert de Keren Ann a été une grosse claque : elle a un sens de la mélodie et de l’arrangement assez incroyable, c’est une sacrée musicienne. Emily Loizeau fait des arrangements singuliers, très personnels : sur scène, elle dépote. Lou Doillon  je l’avais déjà vue lors de la tournée de son premier disque, et j’avais vachement aimé. Mais là, quelle évolution, ça défonce ! J’adorerais travailler avec ces trois filles, elles font leurs trucs, elles sont passionnées, sincères, et on sent que ce sont de sacrées bosseuses.

    B&G : Actuellement, tu travailles à temps plein dans la musique ?
    M : Oui, mais je ne gagne pas d’argent. C’est une des raisons pour lesquelles je suis partie de Paris pour aller vivre à Provins. La vie y est d’ailleurs plus agréable et moins stressante qu’à Paris. Et j’ai la chance d’avoir un papy et une maman qui font tout ce qu’ils peuvent pour me permettre de faire de la musique.

    B&G : On va terminer avec l’interview « Dernier coup ». Dernier coup de cœur ?
    M : Ma vie a été assez merdique ces derniers temps … Le disque « IV » de BadBadNotGood.

    B&G : Dernier coup de gueule ?
    M : Mes coups de gueule ne durent jamais plus de deux secondes. Ils existent mais ils ne comptent pas.

    B&G : Dernier coup de rouge ?
    M : Ce midi. Avant que vous arriviez ! Avec mon ami Thierry Cardot, qui est paysagiste. Il travaille avec ma mère, qui est architecte.

    Pour suivre les actualités de Mamfredos :
      - Facebook : https://www.facebook.com/mamfredos/
      - Twitter : https://twitter.com/louisemamfredos (@louisemamfredos)
      - Site internet : http://www.mamfredos.com/

     


  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :