• La communauté Pop Indé : interview d'Erwan JULE, attaché de presse (Boogie Drugstore)

    Interview d'Erwan Julé, attaché de presse chez Boogie Drugstore (management et promotion de musiques indépendantes).
    Pop In, le 5 juin 2014.
    Par Baptiste et Gérald PETITJEAN.

    Baptiste & Gérald : Nous faisons cette interview au Pop In. Tu connais l'endroit ?
    Erwan: Oui, bien sûr, c'est un bar culte pour toutes les personnes qui aiment la nuit parisienne.

    B&G : Tu as vu des concerts ici ?
    E: Je me rappelle avoir vu Elefanz ici: c'était vraiment chouette. Les MmMmM aussi : c'était n'importe quoi, mais super drôle. Et puis à la fin des concerts, tu finis par boire des bières avec les groupes. L'ambiance est très sympa.

    B&G : Quel est ton parcours ? Comment et pourquoi avoir choisi de devenir attaché de presse dans le monde de la musique ? Qu'est-ce qui t'a donné l'envie de faire ça ?
    E: J'ai un parcours un peu bizarre car j'ai commencé par faire une fac de sport. J'ai ensuite arrêté mes études pendant deux ans puis j'ai repris un BTS en communication à Nantes. Dans le cadre de ce BTS, on avait des actions de cours à mener et je me suis retrouvé assistant bénévole dans un petit festival qui s'appelait « Histoire d'Avenir » à l’époque. La deuxième année, je suis devenu responsable communication et assistant programmation. Ça m'a tellement plu que je me suis dit qu'il fallait que je travaille dans ce domaine. Et un soir, après une cuite, j'ai décidé d'arrêter mes études pour faire des stages.

    B&G : Quand tu étais étudiant, en fac de sport ou en BTS, tu étais déjà un fan de musique ?
    E : Ah oui ! J'en écoutais déjà tout le temps. Et puis je sortais trop pour faire une fac de sport.

    B&G : Une fois arrivé à Paris, comment s'est passée la suite ?
    E: En venant de Lorient, en Bretagne, attaché de presse à Paris, ça semble un truc très lointain. En fait, je devais travailler chez un tourneur à Nantes : en juillet il me prenait, et en septembre il ne me prenait plus. Je me suis retrouvé comme un con, sans rien. J'ai alors commencé à chercher un stage à Paris et au premier appel, je suis tombé sur une fille qui est encore une de mes collègues aujourd'hui. Je me souviens qu’elle m’avait dit qu'on pouvait se voir le lendemain pour un entretien et une semaine après j’étais assistant attaché de presse, puis, plus tard, chargé de développement. Trois ans après, mes deux collègues qui m'avaient recruté et formé sont partis pour créer Boogie Drugstore. Depuis, je travaille en freelance avec eux. Je suis responsable de la promotion sur le web et les médias locaux, petits médias parisiens compris.

    B&G : Chez Boogie Drugstore, vous êtes associés ? Comment-êtes-vous organisés ?
    E : Non, Thomas et Justine ont créé la boîte, c’est une petite structure indépendante. J’ai toujours été freelance pour eux, et je le suis encore aujourd’hui. On se fait totalement confiance et j’ai même un peu de poids dans certaines décisions. Cela me convient très bien, ça m’a notamment permis de partir trois mois aux Etats-Unis en début d’année. Je gère mon temps comme je l’entends.

    B&G : Tu te promènes beaucoup ?
    E: Pas tant que ça finalement. Mais si je devais citer deux festivals principaux pour moi, je dirais les Transmusicales de Rennes et la Route du Rock qui sont incontournables à mes yeux. Ensuite je vais dans des festivals en dehors de Paris quand j’ai beaucoup d’artistes programmés ou pas et en fonction de l’importance d’être sur place à travailler.

    B&G : Peux-tu nous expliquer un peu plus dans le détail comment se passe ton travail ?
    E: Ca dépend du contexte, s’il s’agit de travailler sur une sortie d'album, une sortie d'EP, une tournée, la promotion globale des sorties d'un même label… Par exemple, dans le cas d'une sortie d'album, l'objectif est de faire progresser la notoriété de l'artiste jusqu'à cette sortie. Il faut convaincre les journalistes d’en parler et réussir à mettre l'album en avant dans les médias. Et, bien sûr, cela se prépare progressivement : diffusion d'un single en radio et du clip correspondant, partenariats avec des médias, organisation d'interviews, de sessions live, d’événements. Le tout pour arriver à une belle exposition à la sortie. Mais c’est vraiment tout le temps différent.

    B&G : Quelle est la part du web dans ce travail?
    E: Elle est énorme. Les jeunes, en gros les moins de trente ans, ne lisent plus la presse écrite. Ils sont tous dans le digital. L'avantage mais aussi l'inconvénient du web, c'est que ça va très vite, trop vite, l’info devient presque «jetable ». Et il y a énormément de personnes et de sites sur le web, c’est un peu comme une fourmilière en fait. Autre point très important : les artistes doivent aussi savoir utiliser les réseaux sociaux pour communiquer avec leurs fans.

    B&G: Quelle est la place des blogs, qu'ils soient amateurs et animés par des passionnés comme le nôtre, ou plus « pro » ? Est-ce que ça compte vraiment.
    E: C'est très important. Quand tu es un jeune groupe qui démarre, ça te permet de faire parler de toi et c’est quelque chose qui était encore impossible il n’y a pas si longtemps. Quand il y a une chronique positive et bien écrite sur toi, c'est évidemment très flatteur. Ca contribue à créer le début de l'histoire du groupe avec les médias, à constituer un press book, à montrer à des tourneurs que le groupe a un début de notoriété et qu’il suscite de l’intérêt, au moins un petit peu. Et tu vois cette interview aujourd’hui me rappelle à quel point y répondre n’est pas si simple, c’est un véritable exercice que d’arriver à être intéressant, ou tout du moins de bien structurer ta réponse. Donc, rencontrer des blogueurs permet aussi de s'exercer à ça. Et puis surtout ce que j'aime bien avec les blogs et les webzines, c'est quand même qu’ils te permettent de découvrir des trucs que tu ne découvrirais pas ailleurs. Les gros médias s'intéressent quand même majoritairement aux artistes déjà identifiés. Donc la blogosphère est primordiale.

    B&G : Tu as des liens forts avec les journalistes ou les blogueurs ?
    E : Oui bien sûr. Par exemple deux de mes meilleurs potes sont des journalistes que j’ai rencontrés dans le cadre du boulot. En revanche, ce n'est pas pour ça que professionnellement ça marche forcément mieux. Disons que c’est plus sincère, donc que ça va plus vite mais tu fais quand même la part des choses.

    B&G : Comment sont évalués les résultats de ton travail ?
    E: D'abord, tu évalues si ça fonctionne ou pas, si un mouvement, d'abord souvent journalistique puis populaire, se crée. Ensuite, l'artiste peut quand même être content même si ça ne marche pas comme on l’entendait au début. S’il a de beaux papiers, si on l’a aidé à créer des contenus différents, s’il a rempli sa salle de concert…
    Mais parfois tu te « plantes » aussi, même si c’est un grand mot. C’est malheureux quand ça arrive mais si un projet ne plaît pas, tu n’y peux pas grand-chose à partir du moment où tu y croyais et que tu t’es défoncé dessus dès le début.

    B&G : Comment te projettes-tu dans quelques années ? Tu souhaites continuer ?
    E: Je ne sais pas comment je me vois dans 10 ans. Le travail est très prenant, on bosse énormément. Il y a quand même de la pression et une obligation de résultats qui peuvent peser parfois. Et puis je ne suis pas sûr de vouloir faire la même chose toute ma vie: je suis encore jeune, je vais avoir trente ans en septembre.

    B&G: Quels sont tes meilleurs souvenirs de travail ?
    E: Quand on fait ce genre de boulot, ce n'est pas seulement à cause de la musique, c'est aussi pour rencontrer de nouvelles personnes en permanence, c’est un peu cliché mais c’est vrai. Et parfois, tu fais des super rencontres et les gars du groupe deviennent des potes. La tournée du groupe Aline est par exemple un super souvenir avec des gars extras.

    Pareil avec un groupe danois qui s'appelle 4 Guys From the Future. Je ne peux pas ne pas citer Concorde non plus. Et puis plein d’autres forcément. Humainement, c'est un boulot très enrichissant.

    B&G : Nous t'avons connu suite à ton travail avec des groupes pop et rock indé. Est-ce que tes collègues de Boogie Drugstore et toi accompagnez des groupes issus d'autres univers musicaux ?
    E: Bien sûr, le rock et la pop indé nous plaisent beaucoup. Mais on travaille aussi énormément dans l'électro, par exemple avec les labels Warp et Mute. J'ai aussi travaillé avec le label No Format, qui fait pas mal de World. Je travaille avec Tony Allen également. Et J'adore aussi la folk.

    B&G : Quelques mots sur Pégase, un groupe dont tu t'occupes actuellement et que nous apprécions beaucoup ? Ils ont l'air de bien marcher, en étant à l'affiche de beaucoup de festivals.
    E: Oui, ils vont faire les Eurockéennes, Rock en Seine, La Route du Rock. Ils viennent de participer à la soirée Deezer de Talents et au Printemps de Bourges. Il y aura aussi pas mal de dates à l’automne dont je ne peux pas encore parler. Je trouve que sa pop minimaliste, avec un son travaillé depuis la période Minitel ,n'a pas trop d'équivalent en France. Je conseille vraiment son premier album. Et puis c’est ce genre d’artiste qui fait tout lui même ou qui du moins s’implique dans tout, de la réalisation de ses clips au visuel de son album. Il y a une cohérence d’autant plus forte dans son projet.

    B&G : Comment ont évolué tes goûts musicaux depuis que tu fais ce travail ? Les albums que tu emmènerais sur île déserte sont-ils toujours les mêmes ?
    E: Ce ne sont plus du tout les mêmes, enfin disons qu’ils ont beaucoup évolué. Il y a dix ans, j'étais déjà fan de Radiohead et des Stones, un peu comme tout le monde vous me direz, mais bon. Depuis, notamment grâce à mes collègues qui sont de vraies encyclopédies et bien sûr aux potes, j'ai découvert plein de groupes : par exemple les Stone Roses, que j’adore maintenant. Ce métier m'a surtout donné les clés pour creuser un peu plus. Je pourrais vous citer des dizaines de groupes, j’écoute de la musique différente tous les jours.

    B&G : Tu joues d’un instrument ?
    E : Non, je suis très mauvais autodidacte. J’ai une guitare, depuis très longtemps. J’ai essayé, mais il aurait fallu que je prenne des cours et je n’en ai jamais pris le temps. Vu que mon planning est évolutif, je ne peux jamais rien prévoir. Et puis je dois être un peu fainéant, et je déteste la phase "débutant".
    Ceci dit, j’aurais adoré jouer de la batterie. Vous connaissez Mozes and the Firstborn, un groupe hollandais avec lequel j’ai travaillé ? Je les ai vus aux Transmusicales cette année. Le batteur était complètement déchaîné, un sosie de Stacy Peralta torse nu qui tapait comme un malade : c’était assez fascinant. Et puis la batterie, c’est un peu le cœur du groupe : je suis rarement pour les boites à rythmes.

    B&G : Quels sont les groupes avec qui tu as travaillé qui t’ont marqué sur scène ?
    E : Je me souviens d’un concert de 4 Guys from the Future. A l’époque ils n’étaient pas du tout connus et ils ne le sont toujours pas d’ailleurs, mais leur album était vraiment cool. On avait organisé un petit show case au 114 et il n'y avait quasiment personne. C’était un concert acoustique et je suis resté scotché, j’avais l’impression de voir du mini Radiohead. La référence est un peu too much mais c’était vraiment bien.

    Il y a WhoMadeWho. Eux sont carrément hors compétition. Je crois que c’est le groupe qui m’a le plus marqué en live depuis 5-6 ans. Leur avant-dernier album est génial et les mecs te retournent une salle en un claquement de doigts.

    Evening Hymns aussi, mais là on est dans un tout autre style. C’est un artiste canadien qui fait de la folk et c’est magnifique en live. Je suis archi-fan. On avait fait un concert à l’Espace B et nous étions début septembre. Je me souviens que l’aération avait sauté et qu’il devait faire plus de 40° dans la salle. Le groupe a finalement fini le concert dans la rue, devant la salle.
    Et puis Trentemoller, St Augustine, Poni Hoax, Aline, ... Et dernièrement Get Your Gun en première partie d’Archie Bronson Outfit : la voix du mec est dingue. Je crois que je pourrais écrire une très longue liste.

    B&G : Quels sont tes  coups de cœur récents ? En French Pop par exemple ?
    E : Le Femme, sans aucun doute, et de loin. Ils ont vraiment apporté quelque chose. Je les ai vus à New York d’ailleurs, pendant mon séjour de 3 mois. Et François & the Atlas Mountain. Je les avais vus aux Pays-Bas à l’Eurosonic, en sortant d’un coffee shop... Une grosse claque. Il y Bertrand Belin aussi, que j’apprécie beaucoup. Petit Fantôme également.

    B&G : Et hors de France ?
    E: En ce moment, j’aime beaucoup un groupe psyché qui s’appelle Soft Walls. J’écoute The National en boucle. J'aime aussi Amen Dunes aussi, Sufjan Stevens, Motorama, One Year From Home, Unknow Mortal Orchestra, ... Il y en a tellement! Et puis naturellement je suis toujours aussi fan de Radiohead et des Stones. Jusqu'en 1972 c’était un extraordinaire groupe à singles. Ensuite ils sont devenus des milliardaires et tout change dans ces cas là. Et je ne peux pas ne pas citer Dan Boeckner, de feu Handsome Furs et de feu Wolf Parade, notamment. On a l’impression que le mec va crever sur scène.

    Site web de Boogie Drugstore : http://www.boogiedrugstore.net/


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