• "Unknown pleasures : Joy Division vu de l'intérieur", Peter Hook, éditions "Le Mot et le Reste"

    « Unknown pleasures – Joy Division vu de l'intérieur », de Peter Hook, aux éditions Le Mot et Le Reste, janvier 2013, traduction de Suzy Borello
    Par Gérald PETITJEAN.

    "Unknown pleasures : Joy Division vu de l'intérieur", Peter Hook, éditions "Le Mot et le Reste"

    Here are the young men, the weight on their shoulders”. Ainsi commence Decades de Joy Division, ce groupe formé par des jeunes hommes vivant dans l’Angleterre postindustrielle de Thatcher, qui jouaient une musique froide, avec tout leur cœur et toute leur âme, mêlant rythmiques répétitives jusqu’à la transe, basse mélodique,  batterie martiale, guitares héritées du punk, nappes de synthé, et chant sépulcral. Des jeunes hommes qui allaient bouleverser la musique pop et influencer les générations suivantes.

    Peter Hook, qui fut le bassiste de Joy Division, nous raconte dans « Unknown Pleasures : Joy Division vu de l’intérieur » la brève histoire de ce groupe, de 1976 à 1980. Cette autobiographie se lit comme un roman d’Irvine Welsh ou de John King : le portrait de garçons de Manchester, qui montent un groupe pour s’amuser et vivre la période punk, loin de l’image arty et intellectuelle de Joy Division. Par ailleurs, les fans de Joy Division seront comblés par la chronologie détaillée, avec les setlists et les commentaires de presque tous les concerts du groupe.

    Ainsi, Peter Hook, avec une langue pleine de vie, beaucoup d’humour et parfois un peu de vacherie, nous décrit son enfance, l’envie commune avec Bernard Sumner de monter un groupe punk suite à un concert des Sex Pistols, leur rencontre avec  Ian Curtis (« un gamin avec écrit 'Hate' sur sa veste »), la quête d’un batteur jusqu’à ce que Stephen Morris les rejoigne, les premières tensions avec Bernard Sumner, les rivalités avec d’autres groupes du moment, la naissance de Factory, les difficultés à alterner boulot la journée et musique la nuit, … L’atmosphère de l’époque et l’ambiance des concerts est ainsi parfaitement restituée ; on y croise d’autres grands noms du punk finissant et de la new wave balbutiante (The Sex Pistols, Johnny Thunders & the Heartbreakers, The Buzzcocks, The Sranglers, The Durutti Column, Morrissey, Cabaret Voltaire, Echo & the Bunnymen, The Fall, The Cure, The Jam, Killing Joke, Orchestral Manœuvres in the Dark, Throbbing Gristle, …).

    Extrait : The Jam passaient le même jour que nous. Je me souviens que, pendant notre tour, Paul Weller est venu me voir pour me demander « Vous êtes le groupe de première partie ? »
    J'ai pensé : « Tu te prends pas pour de la merde, espèce de connard. »
    (…) Il était toujours persuadé que les groupes qui jouaient avec The Jam étaient leur « première partie ». Désolé mon pote, nous on est Joy Division.

    Et puis, au fur et à mesure que le groupe enchaîne des concerts de plus en plus impressionnants (même si ces concerts sont souvent donnés devant des publics très clairsemés), qu’il  invente un nouveau son avec l’aide du sorcier Martin Hannett, la santé du chanteur Ian Curtis décline, avec, entre autres, des crises d’épilepsie de plus en plus fréquentes, et une vie personnelle de plus en plus compliquée.

    Extrait : Martin a mixé Unknown Pleasures à sa façon. (…) Barney et moi, on a détesté. On trouvait ça trop faiblard. (…) Aujourd'hui, j'arrive à voir ce que Martin nous a donné, le plus beau cadeau qu'un producteur puisse offrir à un groupe. Il nous a donné l'intemporalité. C'est ce qu'est Unknown Pleasures : un album hors du temps. Pensez à tous les millions d'albums inspirés par lui qui, eux, ont vieilli, alors qu'Unknown Pleasures n'a pas pris une ride.

    Peter Hook, nous fait parfaitement ressentir la situation dans laquelle se trouve le groupe, inquiet et devinant le mal-être de Ian Curtis, mais sans se rendre vraiment compte de ce qui se passe. Ian Curtis se suicide juste avant le départ pour une tournée aux USA, et avant le succès de Joy Division (sortie de leur deuxième album « Closer », et du single Love will tear us appart). Les dernières pages, très sobres, laissent apparaître les interrogations et l’émotion de Peter Hook, qui ne l’ont probablement pas quitté depuis plus de trente ans.

    Extrait : « Bon sang, ces paroles, vous les écoutiez depuis des semaines … comment vous avez fait pour ne pas vous rendre compte qu'il était au plus bas ? » Mais non, on ne s'en rendait pas compte. (…) Je crois que c'est là que repose la contradiction : d'un côté, il était malade et vulnérable ; de l'autre c'était un dieu du rock qui hurlait tout ce qu'il pouvait.

    Sur la base de quelques morceaux de Joy Division (In a lonely place et Ceremony), Peter Hook, Bernard Sumner et Stephen Morris, accompagnés de Gillian Gilbert, formeront New Order et révolutionneront la musique pop une deuxième fois. Mais c’est une autre histoire. On espère que Peter Hook nous la racontera bientôt … Et toujours chez « Le Mot et le Reste », dont la ligne éditoriale autour de la musique est absolument remarquable et de grande qualité (« In a lonely place – Ecrits Rock » de Michka Assayas, « Tomber sous le charme – Chroniques de l'air du temps » de Dominique A, …).


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