• Interview de Dorothée Hannequin (The Rodeo) pour la sortie du single "Ivre d'amour" le 1er juin 2018 et de l'album Thérianthropie Paradis le 14 septembre 2018. 

    Par Baptiste & Gérald Petitjean

    (Café de l'Industrie, 10 juillet 2018)

    Baptiste & Gérald : Il y a, une fois n’est pas coutume, de grandes évolutions entre ton dernier album, La Musica del Diavolo, et ton nouvel album à paraître Thérianthropie Paradis, dont on a pu entendre le premier single « Ivre d’amour »… 

    Dorothée Hannequin : Le choix de la langue est évidemment le premier changement. Tu ne chantes pas pareil en français qu’en anglais y compris dans le choix des textes et dans les thèmes, c’est complètement différent. Ce nouvel album est moins joyeux. Le disque fonctionne un peu en clair-obscur : on commence par un son assez enjoué, très rythmé,  puis on passe à quelque chose de plus noir au fur et à mesure des morceaux. D’où le titre « Thérianthropie Paradis » (« Thérianthropie » = transformation d’un être humain en animal). Deuxième chose, sur le précédent album, j’avais fait une amorce de morceaux composés au piano, mais sur le prochain, la plupart des chansons ont été écrites au piano, deux seulement à la guitare. Cela change beaucoup de choses, en termes de richesse d’accords et d’arrangements potentiels. On a voulu aussi mettre une pincée de modernité à certains endroits, que ce soit à travers des boites à rythmes, des arpeggiators, des voix légèrement trafiquées… 

    B&G : Revenons au choix de la langue d’écriture : tu avais très peu de morceaux en français auparavant – on peut citer « Fantôme de tes pas » et « La Notte » -, qu’est-ce-qui a motivé ce changement ? 

    DH : J’ai voulu me fixer un challenge. Créer des chansons avec des textes plus réalistes qui me ressemblent davantage. Je me suis amusé à faire pas mal d’allitérations, varier le nombre de pieds, ne pas faire des rimes en permanence, souvent le piège du français. Et puis il y a une démocratisation du français aujourd’hui sur une musique exigeante, souvent d’inspiration anglo-saxonne. Je me suis sentie appelée, en quelque sorte, par cette belle écriture. J’ai entendu à la radio il y a peu de temps la chanson « Etonnez-moi, Benoit » de François Hardy, les textes sont divinement bien écrits et pourtant les mots sont très simples. Malgré tout, je précise à ce stade que j’ai des grosses lacunes en « chanson française », j’en écoute très peu. Quand on me dit que « Ivre d’amour » rappelle Michel Berger et France Gall, ça me fait plaisir, mais je connais très mal ces artistes. D’ailleurs, au niveau musical, je me suis plus inspirée de la pop européenne des années 60-70 (ABBA, Mina, Jeannette…) l’époque, ce n’était pas juste trois accords qui tournent sur une boite à rythmes. 

    B&G : Et le passage à l’écriture en français s’est fait facilement ?

    DH : Ça a été dur, j’ai peiné ! La sonorité des mots n’est pas la même et je tenais à mettre des mots qui ne sont pas souvent mis en musique, encore un challenge ! Sur le titre « Fantôme de tes pas », j’avais mis le mot « ingurgiter ». Là j’ai mis les mots « entrelacs », « mordorés », « candélabre »… 

    B&G : Cette démarche fait clairement référence au mouvement surréaliste, et notamment aux dadaïstes. D’ailleurs un de tes morceaux s’appelle « Cadavre exquis »… 

    DH : C’est en quelque sorte un jeu qui me permet d’ailleurs de m’extraire de la pesanteur de l’écriture en français, de la référence aux grands auteurs… 

    B&G : Les différents morceaux de l’album ont dû surgir assez rapidement alors ? 

    DH : Le premier morceau que j’ai composé  est « Cher ami », qui sert en quelque sorte de pont avec l’album précédent, très folk, très épuré. « Ivre d’amour », le single, est venu de manière très limpide, je me suis mise au piano, et la composition s’est faite tout naturellement, avec un côté « Hotel California » Vs Blonde Redhead, un de mes groupes préférés. Mathieu Geghre aux claviers m’a aidé à arranger, c’est lui qui m’a proposé l’arpeggiator, qui est assez envoûtant au final. « Pour que ma mémoire vive », vient d’un article scientifique dans lequel on apprenait qu’un chercheur, canadien il me semble, a inventé un médicament pour effacer certaines parties de la mémoire, comme les traumatismes post-attentats... Pour moi, les éléments traumatiques font partie de l’histoire de chacun, de la construction d’une personne…Ce morceau est donc une réflexion sur le fait qu’aujourd’hui on est constamment dans le positivisme. On nous pousse à donner le meilleur de nous même en permanence. De même, le morceau « Cryogénie » vient d’un fait d’actualité dont j’avais entendu parler, une jeune fille qui allait mourir d’une maladie incurable et  qui avait demandé à ses parents de se faire cryogéniser. J’ai trouvé cela fascinant.  Enfin, j’ai écrit « Candélabre » avec Laurent Blot en trois heures, dans son local de répèt’. Bon, y’a eu un peu de travail ensuite, mais l’essentiel a été fait rapidement. 

    B&G : Quelle a été la réaction de tes musiciens quand ils ont découvert tes nouvelles compositions ?

    DH : Je crois qu’ils ont été agréablement surpris et mon entourage a vraiment vu le changement. Ils trouvaient que cela m’allait bien, comme s’ils s’attendaient à ce que je fasse cela un jour. Et puis j’ai décidé de prendre une tonalité plus haute – troisième challenge ! -, certains ne reconnaissent même pas ma voix. J’ai le sentiment aussi d’avoir eu plus de retours suite à la sorte du single « Ivre d’amour » : malgré les arrangements, les nouveaux morceaux sont sans doute plus accessibles. 

    B&G : On reconnait Jo Wedin dans les chœurs sur l’album…

    DH :  Jo est une super chanteuse, elle a une magnifique voix jazzy, beaucoup de coffre et elle est toujours juste. Sur « Cryogénie » on entend beaucoup sa voix, on ne l’a pas sous-mixée, on a voulu la mettre en avant. On se connait depuis plus de dix ans elle et moi, quand elle travaillait sur son projet Mai. J’en profite aussi pour dire que j’aime beaucoup le duo qu’elle forme avec Jean Felzine, sans parler de Mustang dont j’aime les morceaux, Felzine fait partie des meilleurs auteurs rock en France, il manie les mots comme personne. 

    B&G : On a le sentiment que cet album s’inscrit plus dans la recherche de la pop song parfaite…, qu’en penses-tu ? 

    Pendant longtemps j’ai cherché à déconstruire les chansons, les rendre bizarres alors qu’écrire une chanson pop est bien plus difficile. J’ai baigné dans la musique de Bowie, des Beatles, la Motown… En termes de pop song on est pas mal avec eux ! Et puis aujourd’hui, même si cela me parle moins, il y a des choses imparables, du RnB, de la dance, de l’électro… Comment ne pas aimer « Chandelier » de Sia? C’est génial de créer quelque chose que tout le monde peut fredonner. J’aime aussi l’idée d’avoir la possibilité d’écrire des morceaux intemporels, qui ne se démodent jamais, des classiques à ma mini échelle.

    B&G : Quel est ton Top 5 des albums/morceaux/concerts qui t’ont marqué depuis le début de l’année 2018 ?

    « Corazon de poeta » - Jeannette

    « Guardami negli occhi » - Ennio Morricone

    « Some girl » - Goldlink

    « City music » - Kevin Morby

    Nick Cave & The bad seeds @ All Points East Festival

     

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    Single « Ivre d’amour » sorti le 1er juin 2018.

     

    Date de sortie de l’album Thérianthropie Paradis : 14 septembre 2018


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  • Interview de Donald Pierre (Romain Guerret), pour la sortie de son single (Elle est partie) Ma panthère en mars 2018

    Par Baptiste & Gérald Petitjean

    (Café de l'Industrie, 24 mai 2018)

    Romain Guerret, aka Donald Pierre et non plus Dondolo, leader du groupe Aline, m'attend sagement en plein cagnard à la terrasse du Café de l'Industrie. Il se montre sous ses plus beaux atours : lunettes de soleil rondes, sneakers à LED (désactivées ce jour pour économiser la pile), et T-Shirt blanc vite transformé en marcel puisqu'il en a très largement retroussé les manches. Un entretien pour adultes.

    Baptiste et Gérald : Pourquoi ne pas avoir continué sous le pseudo Dondolo, bien connu des plus sectaires ?

    Donald Pierre : En réalité, avant de m'appeler Dondolo, je faisais de la musique en tant que Donald. Mais je n'ai pas pu m'inscrire à la Sacem sous ce nom-là… J'ai donc abandonné Donald, et j'ai trouvé ce nom qui y ressemblait, Dondolo. Dondolare en italien, ça veut dire « je swingue », « je me balance », je trouvais que cela sonnait bien. Et puis quand j'ai relancé mon projet solo, j'ai pas eu envie d'avoir le sentiment de revenir en arrière et de reprendre Dondolo, surtout que ça n'avait pas hyper bien marché non plus ! Très peu de gens connaissent. Et j'aime beaucoup Donald Pierre, d'abord parce que ce sont mes deuxième et troisième prénoms, et puis parce que c'est un peu farfelu. Et tu as Trump qui est arrivé… !

    B&G : Sur le style, on a tout de même de grosses différences entre Dondolo et Donald Pierre...

    DP : Donald Pierre se situe en quelque sorte entre Aline et Dondolo. C'est plus personnel aussi. Les sons utilisés sont plus synthétiques. Les morceaux de Donald Pierre ressemblent aux premiers Dondolo, en moins éparpillés. J'ai plus de bouteille aussi…

    B&G : Elctro-pop, disco-pop, pop love… Il y a une étiquette qui te conviendrait ?

    DP : Il faut conserver pop, c'est évident. C'est plus synthétique qu'Aline. Mais tout n'est pas électronique, il y a quand même de la guitare, de la basse. Il y a un côté variété très assumé aussi. Variété-pop peut-être. J'ai eu beaucoup de mal à définir le style lors du lancement des premiers morceaux. Ce que je sais, c'est que j'aimerais être le chaînon manquant entre Michel Delpech et Daft Punk, tu vois le grand écart !

    B&G : On ressent bien, justement, dans ta reprise de Michel Polnareff, Rosy, ce chant à la Delpech...

    DP : Ce n'est pas recherché du tout, le truc c'est que j'ai la même tessiture vocale que Delpech, et les mêmes inflexions de voix. Je peux chanter toutes ses chansons, elles sont toutes dans ma tonalité ! Même s'il ne fait pas partie des artistes que j'écoute tout le temps, j'aime bien ses morceaux. Concernant la reprise de Polnareff, c'est Jean Felzine [ndlr : Mustang, Jo Wedin & Jean Felzine] qui m'a fait découvrir le morceau. Ma version est évidemment moins baroque et pop que l'originale. J'adore Polnareff, Âme câline fait partie de mes morceaux préférés. On l'a d'ailleurs croisé à Bruxelles pendant l'enregistrement du dernier Aline, « La Vie Électrique », il était dans notre hôtel. Il avait privatisé la piscine, on était dégoûtés...

    B&G : Sur les thèmes de tes morceaux, c'est très varié : aventures romanesques ((Elle est partie) Ma panthère),  perspectives situationnistes ou surréalistes (Un soir au Fulgor)…

    DP : Un soir au Fulgor a été co-écrit avec Jean Golo, avec des emprunts de la Brigandine ! J'avais la musique, et je voulais un texte parlé à la Jean-François Maurice.D'ailleurs, je veux être le chaînon manquant entre Jean-François Maurice et Daft Punk, mais comme personne ne le connaît, je l'ai remplacé par Michel Delpech. On a emprunté quelques phrases à des livres issus des éditions de la Brigandine et sa collection de polars érotiques. Fulgor est le nom du héros d'un de ces livres, et j'en ai fait le nom du bar. De fil en aiguille, et de verre de rosé en verre de rosé, on est arrivés sur cette histoire de type qui arrive à Paris, il attend un rendez-vous qui a du retard, il lit un livre pour patienter, il regarde les gens autour de lui, qui piaillent, qui boivent… Et là il voit dans le bar d'en face un fille qui est comme lui tout seul, ils se regardent… On ne sait pas vraiment s'ils finissent par partir ensemble, mais la connexion est faite. Ce morceau veut mettre en scène deux personnes qui sont fatigué du monde moderne, de ses aléas, des portables, des réseaux sociaux. Ce sont des gens qui s'ennuient dans la société contemporaine. On est sur du Debord light! 

    B&G : On a le sentiment d'un paradoxe entre le côté léger et dansant des compos, et les fondements très référencés de certains textes.

    DP : C'est vrai que j'ai envie d'insuffler à ces morceaux d'apparence gaie et farfelue un peu de fond. J'aime bien parler de la société de manière légère, mais c'est très difficile de le faire sans être lourd, didactique, critique… Je ne veux pas tomber dans une posture de niaiserie non plus. Je préfère l’ambiguïté. Je veux que mes morceaux restent adultes, malgré la légèreté…

    B&G : Tu as dit dans une interview que certaines personnes pouvaient trouver tes morceaux un peu « tarte ». Cela t'agace ?

    DP : Non. Ce qui m'énerve c'est la fainéantise de certains qui ne s'arrêtent qu'aux apparences de mes morceaux, et qui ne saisissent pas les différents degrés d'écriture et de compo. Ou bien les gens qui disent que ce que je fais est « comique », ou « drôle »… Non je ne fais pas des sketches. Même si cela paraît léger, l'histoire que raconte Ma panthère n'est pas drôle : les deux protagonistes souffrent. En revanche, je veux bien qu'on me dise que c'est une rengaine. Ce morceau est un peu une scie ! C'est une friandise, tu peux la consommer jusqu'à l’écœurement. Comme un morceau de variété.

    B&G : Tes lives ont ce côté très entraînant justement...

    DP : J'ai envie que les gens dansent et s'amusent. J'ai aussi envie d'emmener mes concerts vers de la performance. On essaie en ce moment, avec Jérémy Monteiro et la danseuses qui fait les concerts avec nous, de théâtraliser les concerts. On veut qu'il y ait de l'acting, de la pêche. Un côté « 1, 2, 3, 4 » et on balance !

    B&G : Cela nous rappelle le dernier morceau du dernier Aline, Promis, juré, craché… T'en as vraiment marre du rock ?

    DP : Au moment où j'ai écrit ce morceau, j'étais justement dans cette phase où je voulais revenir à quelque chose de plus synthétique, à ce que je fais maintenant finalement. Mais ce n'était pas vraiment conscient. J'avais envie d'un truc très brut à la Ramones, on adorait le jouer. A la base, je voulais que ce soit un morceau un peu cliché sur le rock, y aller à fond. Du coup, je suis un peu déçu du résultat car il est un peu trop premier degré au niveau de la prod';. On aurait dû faire une prod’ un peu plus maligne qui s'accorde mieux avec le message.

    B&G : Yann Wagner, Jo Wedin & Jean Felzine, Baptiste Pelsy… plusieurs personnes ont participé à l'enregistrement des morceaux de Donald Pierre. La French Pop est une grande famille ?

    DP : Aline fait partie, en schématisant, de la première vague, avec Lescop, La Femme, Marc Desse, Mustang… Vu qu'on était pas très nombreux, on s'est vite croisés, et on s'est bien entendus. Sans faire la même musique ni l'interpréter de la même façon, on a beaucoup de références communes.

     

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    Discographie : Single «(Elle est partie) Ma panthère » (mars 2018) 

    Agenda concerts : le 15 juin, au Pop Up du Label ; le 21 septembre au Supersonic.


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  • Interview d'Orouni, à l'occasion de la sortie de l'EP "Somewhere in Dreamland", produit par les Disques Pavillon.

    Le 30 novembre, au Pop In (105 Rue Amelot, 75011 Paris).

    Interview d'Orouni (30 novembre 2017)

    Baptiste et Gérald : Une question originale pour commencer : comment la musique est-elle venue à toi ?

    Orouni : J'ai commencé assez tard par rapport à d'autres adolescents : la musique avant mes 14-15 ans était quasi absente de ma vie. Et puis j'ai découvert les Beatles, les Kinks, Leonard Cohen, et ensuite ma mère m'a donné une guitare dont elle ne se servait pas : j'ai pris des cours de guitare, et mes premières compositions sont venues quand j'avais 16 ou 17 ans. Je ne me suis plus arrêté depuis ! Et je compose toujours à la guitare. Cela dit, je me souviens que nous avions un piano dans la maison familiale, c'est mon père qui en avait joué, jusqu'à son bac. Il avait un certain niveau. Quant à moi je ne savais pas en jouer, mais à l'époque je pianotais vaguement (j'en joue toujours assez mal d'ailleurs), et je crois même que j'ai imaginé mes premières compositions au piano, avant de passer à la guitare. Tout cela a dû finir par se révéler à l'adolescence.

    Baptiste et Gérald : Tu as ensuite essayé de monter un groupe ?

    Orouni : Mes premières compositions s'accompagnaient de paroles en français, je n'en étais pas vraiment satisfait. Et puis, comme la musique que j'aimais à l'époque venait du monde anglo-saxon, je me suis mis à l'écriture en anglais. Mon premier concert date de 2005, lors d'un festival étudiant. C'était au Danemark, pendant mon année Erasmus. A mon retour en France, j'ai commencé à m'entourer de musiciens. L'équipe Orouni est désormais stabilisée, particulièrement pour le live. C'est mieux pour la cohérence globale sur le plan artistique. Avec une nuance pour le batteur qui en concert n'est pas forcément le même que celui qui a enregistré en studio. C'est Jean Thévenin [François & The Atlas Mountains, feu Hopper, et son projet solo Jaune] qui joue sur cet EP (avec aussi Serge Descombes) ainsi que sur l'album qui va venir. C'est lui qui imagine des motifs, et parfois je lui donne quelques pistes à explorer. Par ailleurs, la violoncelliste (Maëva Le Berre), la violoniste (Anne Millioud-Gouverneur) et le tromboniste (Benoît Giffard) sont les mêmes que sur « Grand Tour ». On élargit aussi en fonction des envies : par exemple j'ai fait appel à une saxophoniste baryton pour l'enregistrement du dernier EP. Cela dépend un peu du budget !

    Baptiste et Gérald : Orouni a toujours été le nom de ta formation musicale ? 

    Orouni : Au départ, je voulais tenir un blog sur mon expérience en Erasmus au Danemark. Je lisais « Sur la route », le roman de Kerouac, et je suis tombé sur le passage où se trouve le mot « Orouni » . J'ai trouvé que cela correspondait bien à l'univers un peu inventé que je voulais créer. J'ai donc repris ce nom par la suite pour mon groupe. 

    Baptiste et Gérald : Parlons du style Orouni : une pop orchestrée, arrangée. Cela te convient comme définition ? 

    Orouni : Déjà en solo, j'imaginais des contre-mélodies, que je jouais sur une deuxième piste avec la même guitare que celle qui jouait les accords. J'ai donc commencé en guitare-voix, par manque de moyens. Mais une évolution logique m'a conduit au style que vous décrivez. J'ai beaucoup écouté les Beatles, en particulier les albums « Sergent Pepper's Lonely Hearts Club Band » et « Revolver », et les Kinks période « Something Else ».  Les premiers albums de Belle & Sebastian m'ont beaucoup marqué, notamment « Tigermilk ». J'estime qu'un morceau s'enrichit avec des arrangements multiples, qu'il s'agisse d’ajouter des cuivres ou des cordes. En revanche, je m'efforce de réaliser ces superpositions de manière opportune et non systématique. Je réfléchis toujours en fonction de l'intérêt de la chanson, sans en perdre le fil en en « faisant trop ». De plus, je trouve stimulant d'explorer des sonorités nouvelles. Pour Speedball, j'ai trouvé le riff au balafon, un instrument avec des lamelles en bois qu'on trouve en Afrique de l'Ouest (le mien vient de Guinée). Tout le morceau est parti de cet instrument, il est donc structurant et absolument pas accessoire. Idem pour le morceau Kalimbalism, j'ai trouvé le riff avec une kalimba, un instrument originaire du Zimbabwe. Avant l'enregistrement de mon album « Grand Tour », j'ai rapporté des instruments du Brésil et du Chili, entre autres. Petite précision : j'ai appris à jouer de la kalimba grâce à une association francilienne, Les Lézards Noirs, qui apprend à construire soi-même et à utiliser ce type d'instruments. Je n'aurais pas réussi à apprendre à jouer de la kalimba tout seul, c'est un instrument assez compliqué, avec 15 notes différentes. Il faut comprendre la gamme aussi. Le balafon dispose de 5 notes, on a donc une gamme pentatonique (Do-Ré-Fa-Sol-La). Et pour le cavaquinho, que l'on retrouve sur The Sea Castle, c'est un peu comme une guitare avec 4 cordes, plus facile donc. Je n'ai jamais utilisé de clavecin en revanche, c'est un instrument que j'aimerais bien introduire. Bien utilisé, comme dans les morceaux de Forever Pavot par exemple, cela rend très bien. Je pense aussi au glass harmonica, mais je ne sais pas trop comment l'intégrer pour le moment. Idem pour le koto, une sorte de harpe japonaise, utilisé notamment par la musicienne Fantôme, dont les compositions sont originales et habitées, ou par le groupe belge Venus. Mais c'est très connoté, donc moins facile à utiliser.

    Baptiste et Gérald : Quel est l'effet que tu souhaites produire en utilisant tous ces instruments, disons exotiques ? 

    Orouni : Une de mes motivations principales est la recherche d'un son distinct et d'émotions différentes. Je souhaite aussi montrer que la musique occidentale n'est pas seule au monde. Le balafon donne une ambiance aquatique, caribéenne, difficile à retrouver avec d'autres instruments, un son un peu sourd dû aux fréquences basses et médiums, ainsi qu'au son particulier de l'attaque. J'envisage de travailler dans le futur avec des musiciens spécialistes de tels instruments, qui pourraient jouer des parties plus complètes et complexes.

    Baptiste et Gérald : Tu as pris des leçons pour travailler sur l'harmonie et les arrangements ? 

    Orouni : Je me vois plutôt comme un semi-autodidacte, et parfois c'est d'ailleurs un petit drame car je ne sais pas écrire des partitions. Pour les instruments mélodiques, je conçois les lignes en les enregistrant avec un son synthétique sur un clavier. Je donne donc des instructions assez précises aux musiciens, qui écoutent les lignes et les repiquent … Je ne veux pas non plus que les musiciens aient le sentiment d'être des purs exécutants, il est nécessaire qu'ils apportent leur touche, c'est pourquoi j'essaie d'être ouvert à leurs suggestions en studio. En live, je m'efforce également de leur laisser de la liberté. Tant que cela fonctionne comme cela, avec des musiciens qui écrivent des partitions à l'oreille, cela me convient. J'aime cette idée de conserver un certain amateurisme dans ma pratique, au sens de l'innocence et de l'ignorance. Ce qui compte, en la matière, c'est le résultat. J'apprécie les contenus originaux et j'estime que la musique ne doit pas se conformer à des règles trop contraignantes. C'est pourquoi je n'ai pas envie que des cours de composition m'imposent certains cheminements harmoniques, alors qu'il s'agit justement de trouver sa propre voie.

    Baptiste et Gérald : Sur cet EP, tu as repris 4 morceaux qui figuraient déjà sur le précédent album « Grand Tour », sorti en 2014. Pourquoi ce choix ?

    Orouni : C'est une idée des Disques Pavillon, le label sur lequel sort l'EP « Somewhere In Dreamland ». Sur ce disque, Emma Broughton a assuré le chant à ma place. Elle est une excellente chanteuse franco-anglaise que je connais depuis 5 ans, elle avait fait des chœurs sur « Grand Tour ». Je suis très sensible à cette idée d'améliorer des morceaux. Si cela doit passer par le fait de ne pas chanter moi-même, pour un résultat meilleur, je fonce. C'était aussi, en l’occurrence, une manière de faire revivre ces chansons qui n'avaient pas bénéficié d'une exposition stratosphérique.

    Baptiste et Gérald : Tu as fait le choix de l'anglais pour tes paroles, cela pourrait-il changer à l'avenir ? 

    Orouni : J'aime quand la musique possède un fort pouvoir d'évocation. Or quand j'entends des chansons en français, cela me ramène à la précision des choses. Je préfère pouvoir m'imaginer ce que je veux. Ceci dit, il y a des paroliers français que j'aime beaucoup, comme Bashung ou Gainsbourg, qui ont réussi à rester poétiques sans assigner l'auditeur à des ambiances précises. Quoi qu’il en soit, je pense que pour la musique que je fais, les sonorités de la langue anglaise conviennent mieux.  Sans oublier que la musique est à mes yeux un langage qui a vocation à toucher tout le monde, au sens littéral du terme. Pour moi, la mélodie est d’une importance capitale. D'ailleurs, un des plus beaux compliments qu'on m'ait faits est venu d’une personne du Motel (où on venait de jouer) qui m'a dit : « Vous êtes le meilleur mélodiste de Paris ! ». Ce n’est pas forcément vrai mais ça m'a fait plaisir ! Et pour finir sur ce point, je n'ai pas envie de chanter en français par tactique pour rentrer dans les quotas de radio. 

    Baptiste et Gérald : Quels sont justement les groupes que tu écoutes en ce moment ? 

    Orouni : J'aime bien Weyes Blood. Et aussi Requin Chagrin, qui arrive bien à faire sonner le français, c'est très pop, avec beaucoup de réverb sur la voix, qui est mixée en arrière. Et il y a aussi le disque de Clémentine March qui va bientôt sortir, et que je trouve extrêmement intéressant, en particulier en termes de composition. Nous avions sorti un split single en 2015 avec son groupe Water Babies. Elle a une culture très pop, et nous aimons autant la musique brésilienne que la pop anglo-saxonne des sixties.

    Baptiste et Gérald : A l'approche de cette période des vœux, que peut-on te souhaiter pour 2018 ?

    Orouni : D'abord que cet EP, « Somewhere In Dreamland », soit diffusé le plus largement possible. J'aimerais toucher davantage de radios, par exemple. Je rêverais aussi que mes morceaux apparaissent dans des films. Et puis j'aimerais mixer l'album que l'on vient d'enregistrer. Emma Broughton figurera encore sur ce disque, elle chante la voix lead sur deux chansons, et pas mal de chœurs sur d'autres. Elle a intégré Orouni en live aussi. On pourra également entendre la voix de Sofia Bolt [ex Water Babies avec Clémentine March] sur notre prochain album.

    Baptiste et Gérald : C'est le moment de l'interview 'dernier coup' ! Ton dernier coup de coeur ? 

    Orouni : Je vais citer trois films que j'ai vus récemment : « Carré 35 », d'Eric Caravaca, un documentaire sur sa jeune sœur défunte qu'il n'a jamais connue. « Ex Libris », le documentaire de Frederick Wiseman, sur la New York Public Library, un film assez long qui traite du vivre-ensemble par la culture et par l'éducation. Et enfin « Sans Adieu » réalisé par Christophe Agou, un documentaire sur la disparition des paysans.

    Interview d'Orouni (30 novembre 2017)

    Baptiste et Gérald : Tu sembles être très cinéphile. Quel est le film dont la B.O. t’a marqué ?

    Orouni : Je pense au film « Orange Mécanique ». J'aime la relecture de thèmes vieux de plusieurs siècles avec des instruments modernes.

    Baptiste et Gérald : Dernier coup de gueule ?

    Orouni : Contre les quotas de musique francophone à la radio. Dommage que le critère de diffusion d'un morceau ne se fonde pas sur sa qualité. Certes, il ne s’agit pas d’un critère objectif, mais ce n’est pas parce que les paroles d’une chanson sont écrites en français que cette dernière est meilleure (ni moins bonne, d’ailleurs). Qui oserait limiter la diffusion de « Dheepan » de Jacques Audiard, long métrage dont la langue principale est le tamoul ? Cela n’a pas empêché le film de ce réalisateur français de remporter la Palme d’Or. De même, Air, Daft Punk et The Dø sont des musiciens dont la musique ne toucherait pas autant de public si elle était interprétée en français. J’ai du mal à comprendre comment on peut volontairement poser des limites, en musique (sauf des contraintes créatives qui peuvent s’avérer fécondes), car pour moi c’est un domaine où la liberté doit être totale.

    Baptiste et Gérald : Et ton dernier coup de rouge ? 

    Orouni : Il y a un mois et demi, on a fêté un anniversaire, et avant-hier j'ai éclusé, enfin, toutes les bouteilles de rouge qui m'étaient restées sur les bras. Depuis, je suis passé au blanc.

     

    Prochains concerts :

        - La Malterie (Lille) le 16 décembre 2017.

        - En showcase au Walrus (Paris, rue de Dunkerque) le 9 février 2018.

     

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  • Interview de Pierre Mikaïloff, pour la sortie de de son recueil de nouvelles "Terminus Las Vegas".

    22 novembre 2016, Le Pop In. Par Baptiste et Gérald PETITJEAN.

    Interview de Pierre Mikaïloff, pour la sortie de "Terminus Las Vegas"

    Pierre Mikaïloff, guitariste du groupe Les Désaxés puis de Jacno, auteur de romans et de biographies (Serge Gainsbourg, Françoise Hardy, Alain Bashung, …), vient de publier « Terminus Las Vegas », un recueil de nouvelles, aux éditions Paul & Mike. Las Vegas y est un mirage construit par des mafieux, un mensonge perdu dans le désert, un cauchemar pour des losers en fin de parcours, une porte des enfers qui fait se croiser fantômes de rock stars et rock stars fantomatiques. Dans ce Las Vegas, les humains sont fatigués. Les démons sont trop humains. Les rock stars ont perdu leurs pouvoirs et ressemblent à d’anciennes divinités déchues. Comme si les Grands Anciens de Lovecraft avaient forcé sur la bouteille et atterri dans "American Gods" de Neil Gaiman. Terminus Las Vegas, tout le monde descend, pas la peine de prendre un billet de retour.

    Recontre avec Pierre Mikaïloff, qui nous parle de son Las Vegas et de ses personnages. Et, en bonus, une playlist à écouter en lisant « Terminus Las Vegas » !

    Baptiste & Gérald : Tu as démarré comme musicien, guitariste au sein du groupe Les Désaxés puis pour Jacno, et ensuite tu es passé à l’écriture. Essais, biographies, romans, journalisme, … Pourquoi cette évolution ?

    Pierre Mikaïloff : Je suis passé de la musique à l’écriture sans passer par la case journalisme, mais par la case « petits boulots » aux débuts des années 2000. Mon premier livre était un recueil de nouvelles, « Some clichés : une enquête sur la disparition du rock’n roll ». De là, on m’a proposé d’autres projets : Patrick Eudeline m’a contacté pour écrire le « Dictionnaire raisonné du punk », Philippe Manœuvre m’a proposé d’écrire des papiers dans Rock’n Folk. C’était en 2006. Et depuis, ça n’a pas arrêté.

    B&G : Il y a d’ailleurs toujours un fonds de musique dans ton travail d’écrivain.

    PM : Oui, la musique et le rock en particulier sont toujours présents car c’est ce qui m’a ouvert au monde. Je n’ai pas été poussé par une soudaine envie d’écrire. En fait, l’envie était là depuis très longtemps, depuis mon enfance, avant même que je ne fasse de la musique. Mais je ne savais pas comment l’aborder. À l'adolescence, monter un groupe a été plus simple, plus direct, plus spontané. Il y avait aussi la motivation collective d’être avec des potes et de jouer de la musique. Alors que pour l’écriture, on se retrouve seul, assis devant son ordinateur. Il a donc fallu attendre que je fasse moins de musique pour me mettre vraiment à l’écriture. Les plans que j’avais en tant que musicien étaient plutôt foireux, j’avais par exemple beaucoup travaillé sur une BO de long-métrage et le film a mis très longtemps à sortir. Ça m’avait découragé et un peu dégoûté de la musique. C’était le bon moment pour passer à l’écriture.

    B&G : Récemment, tu as publié beaucoup de biographies. Avec « Terminus Las Vegas », tu repasses à la fiction. C’est un choix d’alterner ? Au gré de tes envies ?

    PM : Ce n’est jamais vraiment un choix. Pour les biographies et les essais, il y a des propositions, qu’on accepte ou qu’on refuse. Au départ, je souhaitais faire uniquement de la fiction mais je voulais aussi vivre de l’écriture. Donc j’ai accepté des ouvrages « alimentaires » qui me plaisaient et qui m’intéressaient, sur le punk, sur Taxi Girl, sur Françoise Hardy, sur Jane Birkin, sur Alain Bashung… Si je me suis détourné de la fiction, c’était avant tout un concours de circonstances, et non un choix. Mais j’ai toujours continué à écrire de la fiction : des nouvelles publiées dans des ouvrages collectifs sur les Doors ou les Ramones, et aussi deux romans.

    B&G : On va revenir sur « Terminus Las Vegas ». C’est un recueil de nouvelles, qui ne se déroulent d’ailleurs pas toutes à Las Vegas. C’est plus un esprit et une ambiance autour de Las Vegas.

    PM : En fait, Las Vegas, c’est un fantasme, ça peut être n’importe où. C’est un rêve de losers, de paumés, de personnages qui au début de l’histoire sont mal partis et qui, à la fin, sont encore plus mal en point… Las Vegas, c’est aussi une ville très graphique, très cinématographique, qui se prête à l’imaginaire, avec ses néons, ses casinos, son faux Venise, son faux Paris, avec une débauche de moyens. La ville est aussi un vrai décor de rock’n’roll : Elvis y a fait son come-back scénique, les Stones y ont joué cette année.

    B&G : Dans tes nouvelles, la plupart des protagonistes pensent que Las Vegas est un rêve et une oasis. Mais, c’est plutôt un cauchemar et un mirage.

    PM : Oui. Las Vegas pourrait être un mirage : c’est une ville construite de toutes pièces dans le désert par la mafia, après la seconde guerre mondiale. Et il se pourrait qu’un voyageur, en arrivant à son but, s’aperçoive qu’il n’y a rien, que Las Vegas n’existe pas, qu’il ne reste que le lit d’un ruisseau asséché. Mes personnages n’atteignent jamais Las Vegas ou, quand ils l’atteignent, se rendent compte que la ville ne va pas renverser leur situation. C’est le cas du rocker déjanté et paranoïaque qui rêve de faire un come-back à la Elvis dans un casino détruit depuis longtemps.

    B&G : Dans la dernière nouvelle, tu fais d’ailleurs apparaître un mafieux qui tient la ville.

    PM : Oui, il y a un vrai mafieux qui possède un casino. Mais, dans cette nouvelle, il y d’autres personnages encore plus dangereux et inquiétants que les mafieux, des personnages surnaturels qui viennent d’un autre univers.

    B&G : Ces personnages surnaturels sont pourtant plus humains que les humains.

    PM : De toute façon, les spectres, avant d’avoir été des spectres, ont été des êtres humains. Donc ils doivent garder une part d’humanité.

    B&G : Les vrais humains ont parfois l’air de zombies. Et les personnages surnaturels sont aussi des losers. C’est une réunion décalée de zombies et de succubes.

    PM : J’ai un peu réuni tous les types de personnages que j’aime, à la sauce rock’n roll. Par exemple les succubes et les incubes, qui viennent de mes lectures de Huysmans. J’aime bien quand les univers se rencontrent, quand le fantastique fait irruption dans le réel, quand le réel est au bord du fantastique, quand les frontières s’estompent.

    B&G : Les légendes du rock qui traversent tes nouvelles ressemblent un peu à des fantômes surgis du passé. On devine ou on croise les fantômes d’Elvis, des Stones, de Janis Joplin. Cela rappelle des papiers que tu avais écrits pour Gonzaï, dans lesquels tu interviewais des stars du rock prétendument mortes mais qui, en fait, auraient changé de vie et vivraient dans l’anonymat. Un Jim Morrison devenu colonel en retraite, un Elvis vivant dans une caravane en Corrèze, une Janis Joplin qui tient une baraque à frites.

    PM : Il y a énormément de rock stars qui ont disparu très jeunes. Donc on se pose forcément des questions du genre « What if ? ». Si elles avaient vécu, que se serait-il passé ? Où vivraient-elles aujourd’hui ? Qu’auraient-elles fait à 50 ans ? A 70 ans ? A 80 ans ? Comme je les aime bien, je leur invente parfois un avenir. Dans les récits de Gonzaï, je partais du principe que ces rock stars disparues étaient vivantes, et qu’elles menaient une vie tranquille qui n’avait plus rien à voir avec le rock’n’roll, qu’elles avaient changé d’identité. Et j’avais inventé un journaliste qui partait à leur recherche. Dans "Terminus Las Vegas", il y a le fantôme d’Elvis qui tient un rôle important dans une nouvelle. Il y a aussi les Rolling Stones. Eux ne sont pas des fantômes, ils sont bien vivants. Enfin… à peu près. Mais ils n’auraient pas réussi à passer les années 80 avec succès, ils seraient devenus des intermittents du spectacle, vivotant en enregistrant des publicités destinées aux séniors.

    B&G : Dans toutes tes nouvelles, il y a ce côté univers parallèle.

    PM : J’aime bien jouer avec cette idée-là, avec les uchronies, faire prendre à l’histoire un mauvais virage. C’est le cas dans la nouvelle avec les Rolling Stones.

    B&G : La première nouvelle est assez intéressante dans sa construction. Elle raconte l’histoire de la chanson Me and Bobby McGee de Kris Kristofferson, à travers les souvenirs, plus ou moins cohérents, de personnes qui ont contribué ou qui ont assisté, de près ou de très loin, à sa création.

    PM : On connaît surtout la version de Janis Joplin. Dans cette nouvelle, j’ai imaginé comment Kris Kristofferson a écrit cette chanson en allant, un jour, dans un bar situé dans une ville ouvrière, comment il a rencontré un poivrot, et comment ce poivrot lui a raconté son histoire. Au milieu de cette histoire que déroule ce poivrot, qui est le vrai amoureux de Bobby, je fais intervenir les témoignages de tous les gens qui ont interprété cette chanson, Jerry Lee Lewis ou Merle Haggard par exemple. Et puis aussi les témoignages de personnes qui n’ont rien à voir avec cette chanson, comme John Edgar Hoover, patron du FBI à l’époque, ou encore Abbie Hoffman, un révolutionnaire important des années 60. Tous ont une lecture de la chanson qui dépasse largement son sens : pour Hoover, elle a un sens caché subversif ; pour Hoffman, la chanson est un appel à la révolution car Bobby porte un bandana rouge. Je m’amuse à jouer avec le texte de la chanson.

    B&G : De nombreux personnages, visibles ou invisibles, sont de grandes figures du rock. Tu les as choisis pour une raison particulière, parce que ce sont des musiciens que tu apprécies ? Elvis, par exemple, est un personnage central du recueil de nouvelles, même si on ne le voit jamais. Il est à la fois caché et omniprésent.

    PM : Elvis est au cœur des nouvelles car c’est lui qu’on cherche. Et quitte à passer du temps avec des personnages, autant que ce soit avec des gens que j’aime. Elvis, Jerry Lee Lewis, les Stones, Janis Joplin, ou encore Kris Kristofferson, font partie de mon univers, au même titre que les bandes dessinées que j’ai lues quand j’étais enfant. J’ai grandi avec eux, ce sont des personnages qui m’ont construit et qui m’accompagnent toujours. Ça m’amuse de les utiliser comme des personnages de nouvelles.

    B&G : Il y a aussi des personnages connus qui ne sont pas issus du rock, dont un Francis Ford Coppola alternatif. C’est un cinéaste qui t’a marqué ?

    PM : C’est un cinéaste que j’adore. Même si je n’aime pas tout ce qu’il a fait. « Apocalypse Now » est un de mes 10 films fétiches. Dans la nouvelle concernée, j’ai un peu repris le principe de « L’homme qui tua Liberty Valance » de John Ford : l’homme à qui on attribue un exploit, un succès, est un imposteur. Là, j’ai inventé un scénariste de l’ombre qui aurait écrit « Apocalypse Now » et un très méchant Coppola qui lui aurait volé son scénario.

    B&G : Tu montres un jeune Coppola, étudiant complètement désinvolte, qui ne pense qu’à parler des filles sur son campus, avec des ambitions cinématographiques très médiocres.

    PM : Oui. Coppola est  devenu un monstre sacré du cinéma mais je me base sur un fait réel : il a démarré en tournant des séries B pour Roger Corman, avec des budgets dérisoires. C’est pour cela que, dans la nouvelle, il travaille pour Corman et veut ajouter au scénario des filles à poil et des extra-terrestres. C’est, selon lui, ce qui attire le public en salle.

    B&G : C’est assez marrant d’avoir cette vision d’un Coppola réalisateur de nanards, très éloignée de son image.

    PM : Oui, j’aime bien égratigner les icônes, déboulonner les idoles. Surtout quand les personnages deviennent trop consensuels, quand ils font trop l’unanimité, même si ce n’est pas de leur faute.

    B&G : Dans la dernière nouvelle, tu fais intervenir Lovecraft, auteur de récits fantastiques, et Lester Bangs, journaliste musical. Ce sont tes maîtres littéraires ?

    PM : Ça m’arrangeait de les utiliser car ils sont morts et que j’avais besoin de personnages morts. Lovecraft, je l’ai beaucoup lu quand j’étais adolescent. Je ne l’ai pas relu depuis longtemps, mais il est resté très important pour moi. Quant à Lester Bangs, je l’ai découvert comme beaucoup de Français dans les années 90, quand ses textes ont été publiés aux éditions Tristram. Le personnage est devenu vraiment attachant lorsque j’ai lu la biographie que lui a consacrée un de ses amis. C’est un très bon écrivain, très drôle, un très fin analyste musical, au mode de vie pour le moins chaotique. Le petit fantasme que j’avais, c’était de me faire interviewer par le fantôme de Lester Bangs. C’est le point de départ de la nouvelle.

    B&G : Dans cette nouvelle, il y a beaucoup de personnages qui se croisent.

    PM : Oui, j’aime bien les scènes finales des comédies américaines, dans lesquelles tout le monde se retrouve, les fins à la Mel Brooks !

    B&G : Ramon Diaz, le personnage mexicain qui veut réussir à Hollywood, apparaît dans deux nouvelles, dont la dernière. Il fait penser au mythe de Sisyphe : on a l’impression qu’il est voué à tenter éternellement sa chance à Hollywood et à éternellement échouer à Las Vegas.

    PM : C’est bien observé. Il s’agit d’un gars qui n’a pas capitulé mais ça ne veut pas dire qu’il va réussir. Il a même très peu de chances d’y arriver.

    B&G : Étant donné que nous allons publier sur cette interview sur un blog musical, pourrais-tu nous donner une playlist 100% Las Vegas ?

    PM : - Kris Kristofferson : Me and Bobby McGee
            - The Rolling stones : Time waits for no one
            - Hank Williams III : My drinking problem
            - Dave and Phil Alvin : Stuff they call money
            - The Clash : Brand new Cadillac
            - Elvis Presley : Too much monkey business
            - Tony Joe White : Tell me a swamp story
            - Ian McLagan : How blue
            - Jim Ford : Spoonful

            - Richmond Fontaine : Let's hit one more place
            - Julie London : You'd be so nice to come to
            - Steve Miller Band : Living in the USA

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  • Interview de Mamfredos.
    9 octobre 2016, Francis Labutte (122 rue Caulaincourt - 75018 PARIS).
    Par Baptiste et Gérald PETITJEAN.

    Rencontre avec Mamfredos, talentueuse multi-instrumentiste et férue de jazz, qui vient de sortir son premier EP "Changement de saison".

    Interview de Mamfredos, 9 octobre 2016

    Baptiste & Gérald : Peux-tu nous parler de ton parcours ? De ta première approche de la musique ?
    Mamfredos : J'ai baigné dans la musique. Avec des parents et une grand-mère maternelle fous de jazz, qui est vraiment la base de ma culture musicale. Ma grand-mère m'a amenée dès l'âge de huit ans au festival de jazz de Juan-les-Pins. Après, ma mère m'a fait découvrir d'autres artistes, comme Boby Lapointe …

    B&G : Quels sont les artistes et les disques de jazz qui t’ont influencée ?
    M : Il y en a un sacré paquet ! J’aime bien les formations classiques : piano, contrebasse, batterie. « Kind of Blue » de Miles Davis, un disque de référence. C'est pour moi un disque merveilleux, rien à ajouter, rien à enlever. S’il y avait un disque parfait ... J’ai un autre disque de chevet, qui a largement contribué à mon envie de faire de la musique : « Piccolo » de Ron Carter. J’ai aussi été impressionnée par Marcus Miller en concert. Quand j’allais au festival de Juan-les-Pins, j’étais frappée par le fait que ces gars-là ne s’arrêtent jamais : dès qu’ils sortaient de scène, ils filaient faire des jam sessions. D’ailleurs, dans un bar, j’ai pu voir Marcus Miller au piano et Roy Hargrove à la trompette. Ils ont joué pendant deux heures. Il n’y avait personne mais ils s’éclataient.

    B&G : Quels sont les concerts qui t'ont marquée quand tu étais petite ?
    M : Keith Jarrett en trio, avec Gary Peacock et Jack DeJohnette. J’ai dû les voir une dizaine de fois. Dans un autre style, je me souviens d'un concert de Massive Attack, toujours à Juan-les-Pins. Je devais avoir environ onze ans Et, ce qui est fou, c'est que je me suis retrouvée dans les loges avec le groupe, grâce à une pote de l'époque. On a mangé des concombres et des carottes avec eux ! C'était très cool, même si je ne parlais pas un mot d'anglais. Ana Popovic, une guitariste et chanteuse de blues, une sorte de Jimi Hendrix au féminin, m'a aussi beaucoup impressionnée : gamine, je ne pensais pas que c'était possible qu'une fille ultra sexy puisse jouer aussi bien de la gratte. A l'époque, je démarrais la guitare et ça a été un vrai déclic. Ma grand-mère avait réussi à obtenir un autographe de cette fille car elle avait compris que c'était important pour moi. C'est le seul autographe que j'ai. Et je ne sais pas où il est passé …

    B&G : Tu as donc démarré la musique avec la guitare ?
    M : Oui, des amies, qui étaient mes voisines, s’y étaient mises et j'ai eu envie de m'y mettre aussi. Ça m'a plu et je me suis lancée à fond.

    B&G : Tu as commencé tout de suite à écrire tes propres morceaux ?
    M : J'ai commencé à composer quand je prenais des cours de guitare avec un super prof, Cyrille Jakob. Je ne prenais qu’une heure de cours par semaine, mais on débordait souvent car on s’entendait super bien. On est devenus amis. Le cours était divisé en deux : d’abord on travaillait la rythmique, puis les techniques de solo à la fin du cours. Quand je travaillais les morceaux, je me plantais : et en me trompant d’accord, je trouvais que ça sonnait bien quand même. C’est comme ça que je me suis mise à la composition.

    Interview de Mamfredos, 9 octobre 2016

    B&G : Tu as ensuite appris à jouer d’autres instruments ?
    M : J’ai commencé par demander une carte son à mon anniversaire, pour pouvoir m’enregistrer. J’ai tout de suite superposé plusieurs pistes de guitare. Et j’ai eu envie d’arranger. Donc, je me suis mise à la basse pour amener plus de soutien à mes morceaux. L’étape d’après, ça a été la batterie. Déjà quand j’étais petite, je déménageais les casseroles de la cuisine au salon pour taper dessus. Je crois que pour tous mes Noëls et mes anniversaires, j’ai demandé des instruments ou du matériel de musique. Je suis complètement autodidacte, je ne suis pas une grande batteuse, je fais juste des « poum tchak », mais je pense que ça suffit pour faire de bonnes chansons pop. Ensuite, je me suis mise aux claviers car j’avais récupéré le piano de mon père, un quart-de-queue. A l’époque, à 17 ans, j’enregistrais dans le studio de Grégori Czerkinsky, du groupe Mikado, et j’ai rencontré Julien Baer qui m’a montré comment transposer les accords de guitare au piano. Il m’a donné mes premières clés pour composer au piano. Ça m’a fait beaucoup de bien car ça m’a ouvert d’autres horizons, ça m’a permis de sortir de mes habitudes de composition à la guitare, de mes réflexes de guitariste… Et ça parlait à ma culture jazz : sur un piano c’est bien plus évident de plaquer des accords "jazz" … Et ça m’a éclatée de placer ces accords "jazz" dans mes arrangements pop. Le fait d’être multi-instrumentiste me permet de ne pas ennuyer les autres et d’être autonome pour composer et enregistrer.

    B&G : En parlant d’autonomie, tu enregistres chez toi à Provins ?
    M : Oui. En ce moment, je monte un studio d’enregistrement à Provins. C’est une vraie chance. Je suis très contente et très excitée de me lancer dans cette aventure.

    B&G : Tout à l’heure, on a parlé des concerts qui t’ont marquée. Comment te situes-tu au niveau du live ? Tu en as fait beaucoup ?
    M : J’en ai fait très peu. Mamfredos sur scène, c’est du tout neuf ! J’avais joué dans un loft quand j’avais sorti mon premier single, Didoudamour. Récemment, j’ai fait un concert à La Java. C’est Mélanie Bauer (Radio Nova, France Inter) qui m’a invitée à jouer dans une de ses soirées « Tube à Essai ». Je venais de sortir le single Circa, et mon premier EP allait sortir. Pour ce concert, j’étais accompagnée par Valentin Durup, qui joue avec Robi et La Canaille… On se connaît depuis longtemps, on a accompagné un ami ensemble. C’est toujours un plaisir de jouer avec Valentin, on se capte bien, ça va vite ! Et je viens de jouer aux Trois Baudets (le 3 octobre), en version solo : avec ma guitare, un ordi, une SPD et un petit clavier. J’ai re-travaillé les arrangements des chansons pour proposer des versions différentes par rapport à l’EP.

    B&G : Tu peux nous parler de ton premier EP, « Changement de Saison » ?
    M : Ça m’a pris beaucoup de temps. C’est mon premier bébé ! Certaines chansons sont assez anciennes. Elles me sortent parfois un peu par les trous de nez, j’ai envie de les remixer, de les réarranger, de les rechanter, de changer un mot, de les produire différemment (et puis maintenant je vais avoir le studio, le vrai gros son !)… Mais j’ai décidé de les sortir telles quelles parce qu’il faut savoir poser la plume et qu’elles me représentent bien : c’est moi et j’en suis fière, il n’y a pas de triche. Des chansons et des disques il y en aura beaucoup d’autres !

    B&G : Tu retravailles souvent tes chansons ?
    M : Ça dépend. Trop tard par exemple, je l’ai faite en une nuit. Et je n’ai quasiment rien retouché après.

    B&G : Comment procèdes-tu ? Tu écris d’abord la musique ou les paroles ?
    M : Ça évoluera peut être, mais pour l’instant, je commence par la musique, avec des boucles, souvent la nuit. Je mets une boite à rythme, je plaque des accords, je me mets quelques sons, des textures, pour me poser une ambiance. Au bout d’un moment, j’ai une phrase qui vient, je la répète, un peu comme une litanie, puis d’autres phrases arrivent et complètent la première… De fil en aiguille se dessinent un couplet, un refrain… Et ensuite, je retravaille les arrangements : j’ajoute une basse, je reviens sur la guitare car la basse a apporté quelque chose de nouveau, puis j’ajoute des cordes, et je reviens sur la guitare, j’enlève les cordes, je mets un synthé… Ça peut rendre assez dingue !

    B&G : Quand est-ce que tu as décidé d’écrire tes propres chansons et de sortir des disques ?
    M : J’étais à la fac et je travaillais comme musicienne pour d’autres chanteuses. C’est d’ailleurs comme cela que j’ai rencontré Grégori Czerkinsky. C’étaient des chanteuses-comédiennes qui parlaient/chantaient et ça m’a beaucoup appris pour la composition et l’arrangement, car il fallait leur construire des univers qui leur soit propres, qui leur correspondent, qu’elles puissent être à l’aise et balancer les mots comme elles le souhaitaient, et surtout que ce soit leur musique à elles. Au bout d’un moment, en les voyant chanter, je me suis aussi sentie capable de la faire. Et je me suis lancée. A la même époque, Helena Noguerra m’a encouragée. Je l’avais rencontrée sur MySpace. Quand je lui ai fait écouter mes bouts de morceaux (qui faisaient 30 à 40 secondes), elle a trouvé ça bien et m’a dit : « Ils sont bien tes morceaux. Pourquoi tu ne chantes pas dessus ? ». Et je me suis laissée prendre au jeu. Je me suis rendue compte que la voix, c’était un peu l’instrument ultime. Aujourd’hui je m’amuse beaucoup avec ma voix. J’aime bien chanter différemment d’une chanson à l’autre, essayer des textures ... C’est comme quand je choisis de jouer de telle ou telle guitare sur tel ou tel titre, c’est un feeling que je cherche …

    B&G : Tu as évoqué Grégori Czerkinsky de Mikado, et aussi Helena Noguerra, qui est la sœur de Lio. La chanson Circa et son clip font penser à Niagara. Ces artistes des années 80 sont des influences que tu revendiques ?
    M : En fait, je les ai découverts assez tard. On m’a aussi parlé de François de Roubaix. Mais je ne connaissais absolument pas quand j’ai commencé. J’écoutais presque uniquement du jazz. Pour Niagara, c’est marrant, vous n’êtes pas les premiers à me dire ça. Certaines personnes trouvent que j’ai une voix et des intonations qui font penser à Muriel Moreno.

    B&G : Ca te fait plaisir qu’on te compare à eux ?
    M : Ah oui ! Ils ont fait des super chansons, avec beaucoup de fraîcheur et de sincérité. C’est tout ce que j’aime. De la pop de qualité.

    B&G : Dans tes compositions, qui sont de la pop, tu arrives à intégrer tes influences jazz ?
    M : J’ai fait des études de médiation culturelle. Pour moi, ce qui est important, c’est que le plus grand monde ait accès à l’art. J’essaye de faire en sorte qu’à travers mes chansons pop, les gens trouvent des portes d’entrée vers le jazz et inversement (que les passionnés de jazz puissent se retrouver dans la pop). Keith Jarrett, même si je suis dingue de sa musique, ce n’est quand même pas très accessible à tous, le gars ne fait aucun effort pour que tu rentres dans son bordel. L’idée, dans ma musique, c’est d’introduire des éléments issus du jazz, de les cacher. Pour qu’un jour, une personne qui a écouté mes chansons et qui n’aime pas le jazz, arrive à accrocher quand il en entend, arrive à tendre l’oreille, que ça lui parle inconsciemment. Mon plaisir, c’est de faire des chansons simples en apparence, mais très travaillées, dans lesquelles plusieurs lectures sont possibles.

    B&G : A la sortie de ton EP, est-ce que certains avis t’ont étonnée ?
    M : J’ai été surprise par une critique, censée être négative, que je n’ai absolument pas comprise : ma musique serait « limite vulgaire ». Du coup, j’ai réécouté tout l’EP, pour être sûre ! Et je me suis tapé un fou rire pas piqué des hannetons !

    B&G : Quels sont les artistes que tu écoutes en ce moment ? Tu t’intéresses à d’autres univers musicaux ?
    M : Cette année, je suis allée aux Francofolies et j’ai été emballée par Keren Ann, Lou Doillon et Emily Loizeau, qui sont pourtant très éloignées de mon univers. Le concert de Keren Ann a été une grosse claque : elle a un sens de la mélodie et de l’arrangement assez incroyable, c’est une sacrée musicienne. Emily Loizeau fait des arrangements singuliers, très personnels : sur scène, elle dépote. Lou Doillon  je l’avais déjà vue lors de la tournée de son premier disque, et j’avais vachement aimé. Mais là, quelle évolution, ça défonce ! J’adorerais travailler avec ces trois filles, elles font leurs trucs, elles sont passionnées, sincères, et on sent que ce sont de sacrées bosseuses.

    B&G : Actuellement, tu travailles à temps plein dans la musique ?
    M : Oui, mais je ne gagne pas d’argent. C’est une des raisons pour lesquelles je suis partie de Paris pour aller vivre à Provins. La vie y est d’ailleurs plus agréable et moins stressante qu’à Paris. Et j’ai la chance d’avoir un papy et une maman qui font tout ce qu’ils peuvent pour me permettre de faire de la musique.

    B&G : On va terminer avec l’interview « Dernier coup ». Dernier coup de cœur ?
    M : Ma vie a été assez merdique ces derniers temps … Le disque « IV » de BadBadNotGood.

    B&G : Dernier coup de gueule ?
    M : Mes coups de gueule ne durent jamais plus de deux secondes. Ils existent mais ils ne comptent pas.

    B&G : Dernier coup de rouge ?
    M : Ce midi. Avant que vous arriviez ! Avec mon ami Thierry Cardot, qui est paysagiste. Il travaille avec ma mère, qui est architecte.

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